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L'imaginaire musical de l'autre

Entretien avec Nathalie Fernando-Marandola, ethnomusicologue assurant un enseignement d'ethnomusicologie à l'Université Jean Monnet (Saint-Étienne) CMTRA : Vous enseignez l'ethnomusicologie dans un cadre universitaire depuis 2000. Comment cet enseignement s'est-il fixé à Saint-Etienne ?

Les cours ont lieu depuis trois ans au sein du Département de Musicologie de l'Université, grâce à la volonté de l'équipe pédagogique et des étudiants de s'ouvrir à des musiques non-occidentales ou de tradition orale. L'équipe disposait d'un poste d'Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche et a souhaité engager un ethnomusicologue.

Quand j'ai débuté mon enseignement en 2000-2001, j'intervenais en Licence pour un cours très général d'introduction ainsi qu'en Maîtrise au sein d'un séminaire de recherche. Depuis peu, nous avons repensé la maquette quadriennale, qui prendra effet à partir de 2003, en décidant d'installer l'ethnomusicologie à tous les niveaux de l'enseignement (du DEUG jusqu'à la Maîtrise).

Bien que je sois africaniste, j'accompagne les étudiants sur des terrains très diversifiés : par exemple, des étudiants ont fait leur Maîtrise sur la Bossa Nova, les musiques des montagnes du Sud de la Pologne, la musique du Maracatu et de l'Afoxe de Recife, les danses liturgiques des chrétiens de l'église orthodoxe d'Ethiopie, l'orchestre de musique à plectres de Roanne' J'essaie de leur apporter mon expérience et mon appui méthodologique dans leur travail de collecte et de recherche. J'envisage l'ethnomusicologie comme une discipline attachée à la musicologie. Je pense que l'analyse des systèmes musicaux traditionnels peut tout à fait enrichir la connaissance des systèmes musicaux occidentaux et réciproquement. Les étudiants qui s'inscrivent dans ce cursus peuvent espérer s'orienter ensuite vers une spécialisation de troisième cycle en ethnomusicologie (ce que l'on appellera désormais Master Recherche puis Doctorat). Je ne suis pas pour l'instant habilitée à diriger des recherches, mais deux de mes étudiants font actuellement leur thèse à Saint-Etienne sous la co-direction de Béatrice Ramaut, spécialiste de la musique du XXe et de Simha Arom, directeur de recherche émérite au LMS/CNRS.

Ces étudiants en Doctorat sont par ailleurs accueillis par le laboratoire Langues'Musiques'Sociétés du CNRS de Paris, auquel j'appartiens et où travaillent en équipe des ethnomusicologues, linguistes et anthropologues. Il s'agit d'une Unité Mixte de Recherche créée avec le département d'Ethnologie de l'Université R. Descartes-Paris V. Les étudiants disposent ainsi de matériel, d'une aide logistique, parfois d'une aide financière pour partir sur le terrain et en tout cas d'une aide scientifique indéniable. Quels sont vos itinéraires personnels dans la discipline ?

J'ai un parcours classique au départ, puisque je suis pianiste de formation : j'ai suivi des études au Conservatoire de Marseille et les classes de piano de Germaine Mounier à l'Ecole Normale de Musique de Paris. Parallèlement, j'ai suivi les cours de musicologie de Paris IV, où j'ai découvert l'ethnomusicologie grâce à l'enseignement de Gilles Léothaud qui m'a fait découvrir un nouveau monde musical. Il m'a suggéré de rencontrer S. Arom au Laboratoire des Langues et Civilisations de Tradition Orale (LACITO), qui m'a accueillie avec son équipe. Ils travaillaient alors à un programme d'étude sur les échelles musicales des xylophones africains et des polyphonies vocales pygmées. Ils m'ont proposé, pour me "faire la main", d'effectuer ma Maîtrise à partir d'enregistrements non dépouillés.

Je suis rentrée chez moi avec mon paquet de bandes sous le bras et j'ai commencé à écouter' C'était de la musique des Banda Mbiyi, de République Centrafricaine. J'ai commencé à comprendre quelle difficulté représentait le travail de transcription et d'analyse en ethnomusicologie. J'y ai passé des heures, le nez plongé dans le bouquin de S. Arom pour arriver à comprendre quelque chose. Je me suis mise à vraiment aimer cette musique et à avoir envie de la découvrir au contact direct des musiciens. Quand j'ai fini mon DEA, j'ai choisi un terrain d'étude, proche des musiques centrafricaines, mais encore inédit. C'est ainsi que je suis partie en 1994 dans l'Extrême-Nord du Cameroun, où j'ai prospecté pendant plusieurs mois pour recueillir mon matériel de thèse. Durant toutes ces années, S. Arom m'a formée au sein de son séminaire ' séminaire qu'il anime encore, à 72 ans, à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. J'y ai appris l'essentiel du métier, des méthodes de collectes à l'analyse du matériau musical.

L'étude des langages musicaux est vraiment quelque chose de passionnant, qui peut par exemple vous conduire à comprendre l'extrême cohérence de l'articulation entre le musical et le social. Ce qui est plus passionnant encore, c'est d'arriver à saisir comment les gens pensent leur musique, comment ils la conçoivent et la perçoivent.

En travaillant de façon interactive avec les musiciens, on peut mettre au jour leurs références mentales et comprendre du même coup pourquoi deux pièces qui sont acoustiquement dissemblables ' parce qu'elles font appel à des instruments, des procédés polyphoniques différents ' sont considérées culturellement comme étant "les mêmes". C'est cette clé d'écoute que me livre l'analyse du langage musical et c'est cette entrée qui m'intéresse dans la connaissance de l'imaginaire de l'autre. S'instaure petit à petit un langage de musicien à musicien : c'est ce qui me passionne.

Aujourd'hui, je continue à travailler au Cameroun, même si j'ai migré vers le Sud. Est-ce que l'engouement actuel pour les musiques du monde génère un développement ou une orientation particulière des enseignements ?

Heureusement, c'est une discipline qui est en train de se développer. Elle n'est pas très enseignée dans les Conservatoires, je crois que seuls les Conservatoires de Paris et de Lyon ont une classe en ethnomusicologie. Je ne pense pas qu'un étudiant en musicologie puisse à l'heure actuelle négliger ces musiques de tradition orale, qu'elles soient savantes ou non, de même qu'il ne peut négliger le jazz ou les musiques actuelles : cela doit faire partie de son cursus.

Ce que les étudiants attendent de leurs cours d'ethnomusicologie, c'est ' une fenêtre sur le monde ', selon l'expression de la Maison des Cultures du Monde. Ils vivent à travers un professeur l'expérience de l'altérité. Ils ont une curiosité intellectuelle, attendent qu'on leur fasse écouter des nouveaux timbres, qu'on leur parle d'autres façons de penser le monde musical, de l'organiser dans la vie sociale, avec une qualité d'attention et d'écoute qui me surprend chaque jour.

Au sein du cursus, j'invite des intervenants qui animent ateliers et conférences. L'année dernière nous avons ainsi reçu B. Lortat-Jacob qui nous a parlé des polyphonies sardes et Abderahaim Tazi, avec qui les étudiants ont pu faire des échanges polyrythmiques et aborder de façon concrète ce qu'ils apprennent de manière théorique en cours. Cette année, nous accueillerons Rosalia Martinez (spécialiste des musiques andines) et Paul Mendy (percussionniste, spécialiste des rythmes cubains et brésiliens). Chaque atelier est suivi d'un concert, pour que les étudiants puissent avoir un contact avec les musiques vivantes. Il est important qu'ils puissent dialoguer avec un musicien sans l'intermédiaire de l'ethnomusicologue.

Peut-être qu'à long terme, nous pourrons instaurer des cours de pratique musicale plus réguliers, tout au moins je l'espère.Dans le cadre de ce cursus, nous recevons une aide du Ministère de la Culture (DMDTS) pour organiser les concerts et ateliers, inviter des conférenciers et acheter du matériel pour les étudiants qui partent sur le terrain. Est-ce important que les ethnomusicologues développent d'autres compétences et partenariats que ceux liés strictement à la recherche ?

Je pense qu'il est important que l'ethnomusicologue soit impliqué dans la diffusion, en collaboration avec des producteurs ou des muséographes par exemple. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de faire venir des musiciens à la Maison des Cultures du Monde ou à la Cité de la Musique, pratique qui se développe de plus en plus.

Les ethnomusicologues sont en effet des intermédiaires privilégiés, proches des musiciens, et cette collaboration permet de valoriser leurs savoirs musicaux. On peut en revanche regretter que les éditions scientifiques consacrées à cette discipline soient si peu nombreuses et les ouvrages parfois mal distribués. Vous êtes membre du bureau de la Société Française d'Ethnomusicologie (SFE), dont l'histoire est liée à celle du Musée de l'Homme. Comment se positionne-t-elle face aux évolutions des politiques muséales et au déménagement du Musée de l'Homme au Quai Branly ?

Il y a un grand débat en France en ce moment sur la place de l'ethnomusicologie dans les musées. La SFE a organisé ses journées d'études en 2002 sur ce thème, aini q'une journée de conférences en concertation avec le Musée National des Arts et Traditions Populaires. Le 7 décembre, un colloque, toujours centré sur ces mêmes préoccupations, s'est tenu avec le représentants du Musée qu quai Branly, du Ministère de la Culture, des muséographes et des ethnousicologues. La SFE souhaite que le futur musée du quai Branly travaille de plus en plus en collaboration avec les ethnomusicologues.

Par exemple, l'idée du musée-laboratoire est intéressante par qu'il faut qu'un musée soit un pôle scientifique de recherche, et pas simplement un lieu d'exposition ou de démonstration pédagogique. Il ne s'agit pas d'exposer des instruments de musique, il s'agit de parler de la musique qu'ils véhiculent et e la faire partager au public. On aimerait que le visiteur arrivant au musée puisse, comme Bernard Lortat-Jacob le disait récemment, "évacuer son propre imaginaire" au bénéfice de l'imaginaire de l'autre, avec ce que cela implique en terme de compréhension de nouveaux codes culturels. Propos recueillis par V.P. Contact

UNIVERSITÉ JEAN MONNET

Tél. : 04 77 42 17 00 / [fernando@vjf.cnrs.fr->fernando@vjf.cnrs.fr]

Atelier Paul Mendy, percussions cubaines et brésiliennes : mars 2003 (date à confirmer début janvier) Concert :

idem, La Bodeguita de la Salsa, tel : 04.77.33.49.06, 48 rue de la mulatière, Saint-Etienne

Conférence Rosalia Martinez, musiques andines : 11 février de 16h à 18h, amphi E01, Université Jean Monnet, tel : 04.77.42.13.40 (les mardi et mercredi) Discographie :

"Cameroun, Flûtes des Monts Mandara", Ocora Radio France, 1996

" Cameroun Pygmées Bedzan" et "Nord Cameroun. Musique des Ouldémé", collection Inédit, Maison des Cultures du Monde, 2000 et 2001


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