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"La beauté appartient à tout le monde."

Entretien avec Patrice Papelard, chargé de mission à l'Animation Culturelle de la Vie Associative et des Fêtes de Lyon. CMTRA : Vous êtes chargé de mission auprès de Madame Mollard qui est l'adjointe à l'Animation Culturelle de la vie associative et des fêtes de Lyon. À ce titre, vous intervenez sur plusieurs manifestations publiques qui se sont déjà déroulées, et qui se dérouleront dans la ville de Lyon, notamment le bal du 14 juillet 1997 et une opération qui se déroulera fin août, la Caravane des Quartiers. Dans ces deux manifestations, on peut noter la présence importante de Musiques du Monde ou de Cultures du Monde, pouvez-vous nous expliquer la raison de cette présence ?

Patrice Papelard : C'est d'abord la richesse musicale, et c'est aussi un engouement qui existe maintenant depuis une dizaine d'années, pour ce qu'on a appelé "Musiques du Monde". Je ne sais pas bien d'ailleurs ce que cela veut dire. Cette définition est finalement aussi flou que celle du Rock-and-roll : "Qu'est-ce que vraiment le rock-and-roll ?" Pour moi, "Musiques", c'est déjà au pluriel, et "du Monde" c'est avant tout grâce aux divers travaux des explorateurs et des anthropologues, grâce aux flux historiques, ensuite grâce aux moyens de communication et aux possibilités de se déplacer rapidement.

Des villes comme Londres, Paris, Bruxelles ont été des plaques tournantes à un moment donné, et encore maintenant : si on prend par exemple les pays africains qui ont vécu les colonisations françaises, anglaises, la langue a en quelque sorte facilité l'émigration vers ces villes européennes. À ce moment là, on a pu voir émerger un mouvement d'ouverture d'esprit et de désir d'aller chercher des choses nouvelles. Alors, on a pu se rendre compte de notre irrévocable ignorance, et des richesses musicales que nous apportaient ces différentes cultures. Cela remettait en cause nos propres valeurs musicales, tous les types de musiques ont été touchés, même le rock-and-roll dont je suis issu. Voilà maintenant dix ans que je m'intéresse aux Musiques du Monde avec ces sept dernières années, la mission d'organiser un festival à Villeurbanne, "Les Éclanovas" : ce festival a été très révélateur de l'intérêt que nous, programmateurs, avions pour ce type de musique, mais aussi de l'intérêt exprimé par le public. C'était le grand test à l'époque, puisqu'on avait quatre ou cinq scènes en même temps. Au départ, il était important de garder certains repères "grand public" dans le domaine du rock-and-roll, avec des artistes comme Willy Deville, Paul Personne, Santana, et pour la chanson française on peut citer Juliette Gréco. C'est seulement plus loin dans la programmation que l'on pouvait annoncer les concerts de ces musiques nouvelles, méconnues du public. Donc, une partie "événementielle" et une partie innovante de "musiques en émergence", habituellement plutôt à l'ombre de tout système économique.

C'est comme cela que Césaria Evora, ou la musique cubaine ou encore la salsa de l'Amérique du Sud ont pu commencer à prendre place, et petit à petit on a pu constater que les Musiques du Monde apportaient une nouvelle notoriété à la manifestation. Ce véritable engouement venu du public et déjà des programmateurs m'a donné envie de poursuivre ce travail. Mon travail, en tant que professionnel du spectacle, consiste en la coordination artistique de manifestations essentiellement "gratuites". Et, on ne travaille pas de la même manière sur du "gratuit" que sur du "payant".

Ainsi, je pense qu'un travail, comme on a pu le faire pour les Eclanovas, intéresse d'autres collectivités. Tout repose sur le "comment amener du public", ce que j'appelle du "populaire de qualité". Voilà un terme un peu dangereux avec lequel j'ai hélas souvent été confronté à des gens politiques ou non, de collectivités locales et qui ont tendance à regarder le "populaire" par le bas. Je pense que la beauté appartient à tout le monde, et on peut par le populaire amener les gens vers le haut, vers de la qualité, en les invitant à la découverte et en les surprenant. C'est la demande que nous formulons en ce moment à la ville de Lyon, mettre en place des politiques culturelles dans les différents quartiers, et pas forcément dans les quartiers difficiles. Car si on raisonne à l'échelle de la ville, on observe des micros sociétés de quartiers et de sous-quartiers, et on se rend compte qu'il y a un véritable brassage culturel, brassage de population.

Ce brassage existe depuis longtemps, rappelons-le par des rencontres par exemple entre dauphinois, ardéchois et italiens, où on sentait déjà planer une sorte de symbiose culturelle. Les richesses de ces échanges sont en train de faire émerger de nouvelles formes culturelles où chacun pique un peu des choses de l'autre pour en dégager une forme nouvelle. Pour en revenir au 14 juillet, il y a différentes façons de traiter cette manifestation : Il y a le feu d'artifice, grand repère à un moment donné dans la ville. C'est ce que j'appelle les repères "calendaires", mot un peu barbare qui illustre "une date où il y a priorité de sortir". Sur Lyon, ce phénomène est très clair avec la manifestation du 8 décembre pour la "Fête des Lumières", où il peut se passer des choses exceptionnelles, des choses moyennes, comme il peut ne rien se passer du tout de visible, mais les gens sortent parce qu'il faut sortir, qu'il neige, qu'il vente ou qu'il pleuve. Je crois que le 14 juillet, c'est un jour de fête, sans tomber dans un nationalisme cru, car je pense aussi que si l'on regarde l'histoire d'un peu plus près, ça n'a pas été vraiment la fête ce jour-là !!! Mais, les générations qui se suivent l'on vécu et le vivent autrement. Jusqu'à l'âge de sept ans, j'habitais avec mes parents dans un petit village de l'Yonne et j'ai gardé des souvenirs spécifiques à cette fête : pour moi comme pour beaucoup d'autres je l'espère, le 14 juillet c'est déjà le bal, les lumières, la nuit, et c'est aller retrouver les amis ou les voisins, et boire un coup ensemble à la buvette Je garde plus particulièrement l'image d'avoir un lampion à la main avec une bougie dedans, et d'être complètement terrorisé toute la soirée de peur de brûler le lampion avec la bougie, évidemment à l'époque il n'y avait pas d'ampoules et de piles !!

Enfin, le bal n'existait pas sans le musette avec l'accordéon, un instrument qui est maintenant très répandu dans de nombreux groupes. Mais, je crois qu'il ne faut pas avoir une vision étriquée du musette dans notre culture, le musette c'est plus simplement la "gouaille", la rigolade et le petit vin blanc Pour cela, et afin de préserver une certaine intimité et confraternité, j'ai très envie que l'on puisse écouter de la musique non-sonorisée dans la programmation du 14 juillet.

Pour la partie musette, le Dénécheau Jâse Musette sera présent. C'est aussi l'idée de la fanfare, cette forme d'expression directe qui rassemble des individus en une formation caractérisée par l'harmonie municipale que l'on connaît bien. Ici, tout en gardant ce contact direct avec la population, et au plus proche dans la rue, d'autres types de fanfares nous accompagnerons à plusieurs moments et déjà à l'apéro : Pour ce faire, les Taraf de Caransebes, fanfare tzigane que je connais depuis deux ans, proposerons leur énorme répertoire tzigane qu'ils ont développé eux-mêmes. Ce qui est étrange, quand on regarde leur répertoire, c'est qu'ils ont déjà manifesté chez eux, le désir de s'ouvrir à d'autres cultures.

Alors, c'est drôle parce qu'ici, on parle de mixité, et on se rend compte que ces gens sont eux aussi allé chercher d'autres styles musicaux parce qu'ils avaient envie de s'exprimer d'une manière différente. Tout comme eux, les Bobun Brass Band font une sorte de latino-jazz-salsa, croisements musicaux qui confirment encore une démarche personnelle qui s'ouvre à plusieurs styles de musiques. CMTRA : Pour le 14 juillet, il y aura donc, présentées dans la rue, des expressions musicales d'origines culturelles variées. C'est un principe qui a été retenu pour la manifestation dont vous êtes le coordinateur artistique depuis l'année 1996, le défilé de la Biennale de la Danse. Cette opération, sous l'égide de la Maison de la Danse et avec une collaboration forte d'une myriade de structures associatives et professionnelles en partenariat, a marqué Lyon. Allez-vous continuer à travailler sur ce projet, pouvez-vous nous dire quelle est l'option retenue pour cette future biennale ?

P.P. : La Biennale de la danse sort maintenant dans la rue depuis 6 ans , ce sera donc la huitième année. Le directeur artistique, Guy Darmet a toujours eu cette volonté de faire descendre la danse dans la rue. Il travaille depuis plusieurs années sur des thématiques fortes, comme on a pu le voir avec l'Espagne, l'Afrique, et l'année dernière le Brésil. Donc, par rapport aux choix artistiques et à la conception du défilé de la Biennale de la danse, je voudrais "rendre à César ce qui est à César", car Guy Darmet est bien l'initiateur de ces projets ! Ceci n'est pas de la fausse modestie, mais je ne suis que le coordinateur artistique.

J'ai été choisi en tant que technicien, pour réaliser un travail d'approche et de conciliation de pouvoir sur le défilé. Autour de la Biennale du Brésil, il y avait 2 400 participants, ce type de défilé ne s'est donc pas improvisé, il a été préparé quatre à cinq mois à l'avance dans 16 quartiers, à raison de trois à quatre répétitions par semaine. Les choix directifs de ce défilé ont été fait par Guy Darmet, qui après un voyage au Brésil, avait compris que la musique que l'on appelle folklorique n'a pas le même caractère en France et au Brésil. C'est à dire qu'au Brésil la musique folklorique a toutes ses lettres de noblesses, elle est la musique populaire qui réunie tout le monde. Pour 1998, je crois que je peux en parler car Guy Darmet l'annonce officiellement, la thématique de la Biennale sera "La Méditerranée". Guy Darmet avait déjà annoncé cette idée à la fin de la Biennale de 1996, selon laquelle il comptait bien organiser un défilé sur le thème de la Méditerranée. Cette Biennale aura le même cahier des charges que les précédentes avec un chef de projet chorégraphe par quartier.

En terme d'expression, nous ne savons pas encore ce qu'elle sera, en terme de motivation, nous nous étions arrêtés l'année dernière à 16 projets, les 16 étaient cohérents, même s'il y en avait un ou deux un peu plus léger. Mais toutes les communes qui sont passées à côté de cette histoire-là vont être cette fois demandeuses, et vont vouloir participer à la manifestation.

Donc, nous ne savons pas combien de projets nous retiendrons pour cette future biennale, mais ce qui est sûr, ce sera à nouveau la mixité, avec de nombreuses cultures en participation. Car si l'on prend tout simplement un dictionnaire, et que l'on regarde le bassin méditerranéen, on est très surpris de voir tant de cultures différentes autour de cette grande mare. CMTRA : Il y a un certain nombre de structures qui travaillent depuis longtemps autour de cette idée d'une agglomération lyonnaise "multi-culturelle", "pluri-culturelle", termes à manier toujours avec précaution. N'avez-vous pas l'impression que l'on est en train de voir se concrétiser cette idée ?

P.P. : Cela me fait plaisir d'entendre cela ! Je pense que si on parle de pluri-culturité, voilà encore un beau terme, il faut déjà "faire le ménage devant sa porte !!!" je me souviens d'une histoire, puisqu'en tant qu'organisateur d'événements, je ne suis finalement qu'un allumeur de mèche, de choses qui existent déjà, et parce que je me suis retrouvé dans des situations où j'avais les moyens d'allumer ces mèches, je sais donc qu'autour de moi, il y a des gens qui travaillent depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans dans ce type de mouvement, et qui disent :

Mais quels sont ces gens qui arrivent comme cela et qui d'une certaine manière récupèrent "l'histoire" ». Ce n'est pas du tout un sentiment de récupération qu'il faut avoir, chacun est à sa place, il y a des gens dont le savoir est peut-être plus de rassembler des personnes et de créer des mouvements pour aller de l'avant.

Maintenant, dire que c'est une réalité, oui ! Il faudrait vraiment tomber dans des thèses extrémistes pour pouvoir le nier, thèses que je n'ai pas envie de citer, puisqu'il y a bien longtemps que je ne prononce plus les noms de leurs auteurs. En même temps c'est difficile parce qu'il faut se battre : lors d'une conférence de presse avec Guy Darmet sur le défilé de la Biennale, des gens commençaient à poser des questions, et on entendait des choses comme : "Mais qu'est-ce que vous vous mêlez de cela." Nous, on parlait de tolérance et d'amour, et c'est comme si on avait peur maintenant d'employer ces mots, ça fait ringard. Mais ce brassage, c'est la tolérance et je suis à fond pour cela. D'ailleurs, pour moi il est impossible et impensable que des personnes comme ces extrémistes, que je ne citerais toujours pas, se déploient et gagnent une certaine notoriété. Cela nous prendra peut-être un peu plus de temps que prévu, mais on ne pourra pas aller à l'encontre de cette tolérance, de ce brassage de cultures.

Je fais peut-être parti d'une génération qui a eu la chance de voyager ailleurs. Mais quand je suis en France, j'ai envie d'accueillir mes amis étrangers comme ils m'ont accueilli chez eux, et là, j'ai certainement encore beaucoup à apprendre.


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