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Michel Gentils
La guitare vina

Entretien avec Michel gentils







CMTRA : Michel Gentils, tu es un guitariste atypique, avec un parcours très original, au service d'une musique unique. Tu sors un double CD, « Rétrospective », qui raconte tes longues aventures musicales. Qu'est-ce qu'on trouve dans ce CD ?

Michel Gentils : Beaucoup de morceaux ont été enregistrés avec des musiciens que j'ai pu rencontrer dans ma vie professionnelle depuis trois décennies. J'ai mis également quelques morceaux solo.

Dans les rencontres que j'ai pu faire, il y a une qui est peut-être plus importante pour moi, c'est avec celle avec Ali Altintas, qui est un grand maître turc de l'improvisation, malheureusement décédé récemment. Il habitait en France et il m'a suivi pendant vingt ans. J'allais chez lui, il me faisait jouer, et il m'interrompait quand quelque chose clochait dans mon improvisation. Ce qui clochait souvent, c'était un moment de déconcentration, un moment où quelque chose n'était pas logique. Il m'a fait énormément progresser dans ce domaine. Il y aura sur les CD deux morceaux avec lui, des enregistrements que j'ai conservés depuis une bonne vingtaine d'années. Dans ces CD, il y a également ma rencontre avec Sam Benzo, musicien parisien au parcours étrange. Il fait à la fois du jazz et du blues. Il a découvert la musique avec l'arrivée des Américains en France, pendant la seconde guerre mondiale. Il joue de l'harmonica, il chante, il fait des percussions vocales. Ça fait vingt ans qu'on joue ensemble, et sur les CD, il y aura des enregistrements récents.

J'ai fait également une rencontre assez atypique, avec une chanteuse qui s'appelle Desireless, connue en France pour avoir fait un immense tube, « Voyage « voyage ». On a travaillé ensemble pendant quelques années ; à l'époque Desireless faisait les paroles et moi la musique, et nous avons un disque qui n'a jamais été distribué. Je vais tirer de cet enregistrement deux chansons. L'une des chansons est d'ailleurs Voyage, dont les paroles et la musique ne sont pas du tout de nous. J'ai fait une adaptation pour la guitare douze cordes de cette très belle mélodie, et elle chante elle-même très différemment, elle montre un autre aspect de sa personnalité. J'ai utilisé pour cet arrangement un électro-aimant qu'on place au-dessus d'une corde de la guitare, et qui fait sonner la corde sans qu'on y touche. J'ai mis deux ou trois électro-aimants, j'ai empilé les pistes, je me suis amusé un peu, et ça donne quelque chose d'assez particulier.

J'ai également rencontré un vrai bluesman français, ils sont tellement rares ! Il est vrai que nous avons en France une culture passionnante, mais on n'est pas tellement blues. C'est plutôt les Afro-américains et les Anglo-saxons qui excellent dans le genre. Bobby Sound Junior, c'est son nom, est un Alsacien qui a passé quelques années aux États-Unis, qui a joué avec Zowa Joung à Chicago et avec qui j'ai bien sympathisé il y a quelques années. On avait enregistré une chanson, un blues traditionnel, qui en fait commence comme un vrai blues et qui se termine avec une guitare que j'ai modifiée, la guitare vina. Et petit à petit, dans les passages solo dont je parsème la chanson, j'interviens de plus en plus et la chanson passe du blues à de la musique indienne. J'ai enregistré seul quelques morceaux avec plusieurs pistes, c‘est encore un autre travail, qui pour moi est une première.

Il y a sur ces deux CD à peu près une heure et demie d'enregistrements. Tu es connu pour une spécialité rare, en tant que « guitariste douze cordes », mais en plus avec des caractéristiques uniques, une technique de jeu et des modifications tout à fait particulières que tu as fait subir à l'instrument. Quels sont tes secrets ?

J'aimerais bien que ça soit moins secret, parce que je me sens bien seul à utiliser de cette manière la guitare douze cordes depuis tant d'années, bientôt trente ans, en France ! C'est dommage, par ce que si beaucoup de gens ont une guitare à douze cordes, la plupart l'utilisent comme « une six cordes qui a un joli son ! » . Ils ont raison, c'est bien aussi, mais lorsqu'on qu'on joue chaque corde séparément à la main droite - ça n'est pas difficile, c'est juste une technique différente - l'instrument prend toute sa dimension.

C'est-à-dire que, pour être un peu plus technique, on retrouve sur cet instrument les six cordes habituelles, chacune étant doublée. Les deux cordes aigues sont doublées par leur même note à l'unisson, et les quatre cordes graves, Mi, La, Ré, Sol, sont doublées par la note à l'octave au-dessus. Cette corde octave est située physiquement au-dessus de la corde habituelle grave, donc quand mon pouce droit descend, il frappe d'abord la corde aigue, et il peut ne pincer que la corde aigue. Ça n'est pas très difficile à faire. On a donc l'octave. Lorsque c'est l'index, le majeur ou l'annulaire qui remontent, ils tombent sur la corde grave, la corde habituelle de la six cordes.

En fin de compte, comme les deux cordes aigues sont doublées à l'unisson, on peut considérer qu'on a les six cordes habituelles plus les quatre notes à l'octave. Pour simplifier outrageusement le propos, on pourrait dire que sur une guitare douze cordes, on combine dix cordes entre elles, et non pas six. On peut donc imaginer le nombre de combinaisons supplémentaires par rapport à une guitare six cordes. Les possibilités sont immenses.

Je suis loin de les avoir expérimentées toutes. J'ai découvert ça grâce à un guitariste américain qui s'appelle Leo Kottke, qui a fait connaître la guitare douze cordes en 1975 aux Etats-Unis, à l'époque où j'y étais. J'ai un peu systématisé l'utilisation de ces cordes aigues supplémentaires, et j'ai probablement inventé des techniques nouvelles. Mais d'autres guitaristes douze cordes dans le monde ont, chacun de leur côté, inventé des techniques nouvelles.

On doit être une dizaine au monde à pratiquer l'instrument dans cet esprit, et en France, je ne connais personne d'autre que moi qui fasse ça. C'est très dommage, ça reste confidentiel, alors qu'il y a un univers immense à explorer. J'ai le projet d'une méthode de guitare à douze cordes, jouée de cette manière, qui devrait voir le jour l'année prochaine. Sur mon site Internet, j'ai posé quelques éléments de cette méthode. Si des guitaristes sont intéressés, j'ai mis quelques exercices faciles à appliquer.

Une chose est l'évolution de techniques de jeu, une autre chose concerne les évolutions possibles de l'instrument lui-même. Dix ans après mon séjour aux États-Unis, je suis allé en Inde. J'y ai découvert ce qu'on en connaît, une culture musicale fabuleuse, qui n'a pas eu de cassure depuis cinq mille ans. Quand ils parlent de musique classique, pour eux, ils pensent cinq mille ans en arrière, pour nous, c'est deux cent cinquante ans ! Il faut remettre les choses à leur place ! Ceci dit, nous avons inventé des choses fabuleuses aussi. Ce n'est pas pour dénigrer ma propre culture que je vais à l'étranger m'inspirer de l'expérience des autres !

J'ai été frappé en particulier par la sonorité des instruments indiens. J'ai cherché à adapter à la guitare le principe des vibrations des instruments à cordes de l'Inde du Nord, ce qu'on trouve sur le sitar, la vina. Je ne me voyais pas démarrer au début un instrument comme le sitar, qui demande au moins dix ans d'apprentissage. J'ai cherché à gagner du temps en adaptant les principes acoustiques des instruments de l'Inde du Nord à la guitare, instrument que je connaissais déjà, et en fait j'en ai pris pour plus de vingt ans !

Quand on veut modifier un instrument qui a déjà été mis au point et amélioré depuis des générations et des générations, en modifiant un détail, on modifie tout. C'est très difficile. En fait, je n'ai pas obtenu ce que je cherchais, j'ai trouvé autre chose, mais un son tout à fait valable. En rentrant de l'Inde, je suis allé voir du côté de scientifiques, au laboratoire d'acoustique de Jussieu, à Paris, pour leur demander conseil. Eux m'ont dit « Vous n'êtes pas le premier à avoir eut cette idée, nous avons vu passer une trentaine de personnes depuis dix ans ! Par contre, vous avez trouvé un son qui vaut la peine d'être étudié de plus près ». Ils m'ont demandé de venir les voir pour que je leur montre ce que j'avais fait. En échange j'ai pris quelques cours d'acoustique musicale, et finalement, cette guitare, je l'utilise toujours. Je l'appelle « guitare vina ». Elle a un son un petit peu indien. Évidemment ça n'est pas le sitar, c'est un autre son tout à fait curieux et valable. Je suis maintenant dans un processus de fabrication de prototype, depuis quinze ans.

J'ai fait faire une deuxième guitare à mon luthier, Jean-Pierre Favino, sur laquelle il a ajouté un second manche qui porte des cordes sympathiques, qui vibrent en résonance. Dans mon concert, j'utilise la guitare six cordes folk, que j'ai toujours aimée, la guitare douze cordes, qui reste mon instrument principal, et deux prototypes de guitares vina, qui sonnent à la façon indienne. As-tu d'autres rêves d'évolution de l'instrument, un troisième manche par exemple?

Il y a déjà eu dans l'histoire beaucoup de tentatives extraordinaires d'évolution de l'instrument. La guitare harpe, par exemple, qui a existé en Europe à la fin du XIXe : elle portrait des cordes graves supplémentaires en grand nombre. Avec mon système de guitare indienne, ce système de résonance me porte plus à faire sonner des harmoniques aigues. Elles poussent vers les aigus le timbre général de la guitare.

Pour rétablir un équilibre, j'ai envie d'adjoindre des cordes graves. Je pense à me faire fabriquer une guitare harpe qui serait également une guitare vina à douze cordes avec en plus un chevalet plat qui fait friser la corde. À ce moment, j'aurai l'impression d'avoir un orchestre entre mes doigts, si toutefois j'arrive à les glisser quelque part sur l'instrument ! Propos recueillis par J.B. Nouveau DVD: Michel Gentils en concert

« Rétrospective » Double CD en souscription, 25 €.

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