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Les Centres de Musiques Traditionnelles en question

Entretien avec Olivier Durif, président de la Fédération des Associations de Musiques et Danses Traditionnelles. Comment le responsable de la FAMDT que vous êtes envisage la place et le sens des musiques traditionnelles dans le monde d'aujourd'hui ?

Président depuis de nombreuses années de la FAMDT, j'ai, dans cette position, longuement milité pour que les musiques traditionnelles soient des musiques inscrites dans la « modernité » même si le mot (on le verra plus loin) peut facilement être contourné et retourné, des musiques créatives ou la « tradition » n'est que la main courante d'un propos musical forcément « actuel », à mille lieues de toute tentation et justification passéiste ou nostalgique...

On connaît dans le monde d'aujourd'hui les dangers du clonage et de la reproduction à l'identique. Toutes les recherches faites auprès des musiciens de tradition orale montrent à quel point, à l'intérieur d'une forme générique commune, chacun est capable d'une pâte musicale remarquablement originale, personnelle, infalsifiable et irreproductible ! Pour moi, les musiques traditionnelles sont un message non seulement créatif mais, qui plus est, ouvert sur d'autres formes musicales, chorégraphiques, esthétiques ou, dans cette acception, on pourrait presque dire que « la tradition, c'est l'oubli de toute tradition... ! » Depuis la création de la FAMDT, quels changements fondamentaux avez-vous vécus en termes de reconnaissance des musiques traditionnelles ?

Je crois que, trente ans après, le mouvement des musiques traditionnelles est toujours dans le même débat (combat !) pour la reconnaissance d'un objet et d'enjeux profondément alternatifs par rapport à l'institution musicale et à une certaine forme d'establishement culturel.

Nous représentons en fait une problématique qui est relativement nouvelle dans ces contextes et qui, du fait de ses spécificités minoritaires liées à sa mosaïque territoriale, ne s'incarne pas facilement dans un discours culturel moderne.

On sait bien aujourd'hui que les musiques de l'oralité sont beaucoup plus que des cultures « non-écrites » mais, dans les contextes d'institutionnalisation auxquels elles sont soumises depuis une vingtaine d'années, elles peinent à exprimer ce que, très positivement, elles sont réellement : des musiques porteuses d'autres « géométries musicales », d'un autre rapport à la transmission du sens et des savoirs et qui, même dans les contraintes rythmiques extrêmement fortes liées au rapport à la danse (ou peut-être à cause d'elles), offrent et proposent des résolutions esthétiques et des ouvertures artistiques subtiles qu'il faut savoir promouvoir et défendre.

Plus globalement, en défendant le secteur de ces musiques depuis de nombreuses années, et au-delà des propositions faites par l'institution culturelle pour les promouvoir, il a bien fallu nous rendre à l'évidence que les moyens de la République restent massivement au service de la musique académique (il faut le dire sans haine mais également sans détours) par le poids des institutions et des corporations professorales et artistiques qu'elle représentent, par l' « ordre » symbolique dont elles sont encore l'expression dans les représentations de la musique auprès du politique, tout cela au détriment de ce grand secteur des musiques actuelles.

Dans un premier temps, et c'était l'objet des premières rencontres qui ont spontanément rassemblé et constitué le mouvement des musiques actuelles (1997), nous ne demandions au Ministère de l'époque (Catherine Trautmann) que des moyens supplémentaires pour permettre à un secteur (!) représentant 80%( !) des pratiques musicales en France les moyens de son développement. Devant l'ampleur des besoins, après avoir révisé plusieurs fois sa copie à la baisse, le ministère a donné un début de réponse budgétaire, mais les vraies questions sont restées.

Aujourd'hui ces questions demeurent et un certain nombre de collectivités publiques commencent à les toucher du doigt dans l'écartèlement où elles se trouvent pour financer des structures d'enseignement de la musique (Conservatoire, ENM...) qui ne sont pas loin de l'implosion d'une part, et les nouveaux lieux de sociabilité de la musique, appelons les « scènes de musiques actuelles » pour faire court, d'autre part.....

Avec l'état de récession budgétaire (et morale) dans lesquelles se trouve le ministère qui reste intellectuellement dominant -et nécessaire nous le pensons à la démocratie culturelle-, on sent bien qu'il faut repenser dans les dix années qui viennent la politique musicale dans son ensemble, qu'il va falloir « partager » différemment. Mais comment ? Et quand ?

Face à cette situation, les musiques traditionnelles, dans l'acception décrite plus haut, possèdent quelques clés.

Je ne suis pas de ceux qui souhaitent qu'on banalise la dialectique oralité/écriture même si on n'a pas à stigmatiser l'une au nom de l'autre : elles sont toutes deux porteuses de sens.

Pour autant, je reste persuadé que la musique orale reste, sur le fond, profondément ignorée : or, la musique orale, ce n'est pas de la musique de contrebande volée à la musique écrite par des musiciens malins qui auraient « tout appris par cœur », c'est un monde en soi, qui a sa propre logique de construction de sa modulation et de ses effets, sa propre architecture et ses modes de représentation du sonore. Pourriez-vous nous rappeler le contexte de création de la FAMDT et la situation actuelle des musiques et danses traditionnelles en France ?

La Fédération a été créée voici plusieurs années en 1985, elle est directement issue de la Commission des musiques traditionnelles qui s'est réunie dès 1982 à l'initiative de Maurice Fleuret, directeur de la Musique et de la Danse de l'époque. Elle est aujourd'hui la tête de réseau de l'ensemble des Centres de Musiques Traditionnelles en région et d'une centaine d'associations en France.

Bien entendu elle a démarré avec l'ensemble du réseau des musiques « d'en France », selon les termes de l'époque, mais elle s'est largement ouverte depuis sur les musiques issues de l'immigration et des communautés présentes sur le territoire national. Par ailleurs elle a été a l'initiative de la création du Réseau européen des Musiques Traditionnelles dont elle est aujourd'hui un des membres influents.

Depuis sa création, elle s'est efforcée d'être un interlocuteur responsable pour les politiques culturelles publiques, et un outil pour les acteurs du réseau des musiques traditionnelles en France au service de leur développement et d'une meilleure connaissance par le grand public de ces musiques. Les musiques actuelles regroupent de nombreuses esthétiques, du rock aux musiques électroniques en passant par les musiques traditionnelles. Quels sont les enjeux artistiques et politiques de ce rassemblement ?

La plupart des jeunes artistes de musiques traditionnelles sont aujourd'hui esthétiquement très proches dans leurs pratiques (quand ils ne les mélangent pas allègrement) de formes et des attitudes du rock alternatif, des musiques électroniques, pour ne pas parler des musiques latinos ou celtiques !

Bref pour expliquer les choix qui ont été ceux de la FAMDT à l'époque (1997), je crois qu'il faut rappeler que ce sont les acteurs eux-mêmes qui se sont, à l'époque, choisis et qui ont sollicité le ministère pour une reconnaissance à la fois symbolique de leur présence solidaire mais également pour une reconsidération de la politique publique de financement de la musique en France.

La FAMDT a choisi de faire partie de ce secteur des musiques actuelles parce que, d'une part, il nous apparaissait important de s'inscrire dans ce que nous considérons comme notre avenir et notre famille artistique autant que culturelle, ainsi que je crois l'avoir soutenu plus haut, d'autre part parce que cet ensemble nous semblait, même s'il faut être conscient du melting-pot qu'il représente, avoir les mêmes approches politiques du développement musical en France.

Cette inter-fédération, qui ne s'est pas structurée, reste actuellement très mobilisée pour faire entendre sur l'ensemble de la profession musicale (ministères, collectivités, sociétés civiles, syndicats, etc. ) les points de vue qui sont les nôtres et qui ont été largement débattus lors du « Foruma » organisé en octobre dernier à Nancy à l'initiative de l'IRMA et de la Fédurok. On observe une grande inquiétude aujourd'hui sur l'avenir d'un certain nombre de structures et d'acteurs des musiques traditionnelles, quel est votre point de vue ?

Voilà plus de vingt ans maintenant, les acteurs de musiques traditionnelles, l'État et progressivement les collectivités locales se sont paritairement mis d'accord sur des enjeux, des outils et des projets pour le développement de ces musiques. Un certain nombre de résultats sont aujourd'hui tangibles avec, comme on peut l'imaginer, des réussites mais également des échecs, le tout sur fond de budgets « globalement stables » (sic) depuis au moins cinq ans, pour ne pas dire dix... !

Or, les moyens n'ayant pas suivi, les militants (responsables de structures, acteurs et artistes confondus) ont cru pouvoir transcender cet état de fait par le biais d'un investissement humain de tous les instants dans les outils dont ils avaient la charge. Et donc aujourd'hui, dans le marasme ambiant de la conjoncture culturelle, alors que leurs structures sont en souffrance de cet état de sous financement chronique, on vient leur demander de serrer d'un cran supplémentaire la ceinture qui était déjà au dernier cran !

Il faut donc, comme nous le souhaitons à la FAMDT depuis plusieurs années, refaire un point sur l'ensemble du projet et pas simplement tenter des restructurations de détails qui ne feront qu'ajouter à la confusion et à l'injustice.

Des principaux outils de développement que sont les Centres en région, on peut dire qu'ils restent des projets intellectuellement exemplaires et remarquables par la prise en charge de l'ensemble de la chaîne culturelle (patrimoine, recherche, formation, diffusion, création) qu'ils proposent

Et dans l'actualité sociale « brûlante » de ces derniers mois, les Centres en régions, observateurs et acteurs d'un multiculturalisme loin de tout communautarisme, en prise avec les identités et les territoires, attentifs aux traditions mais non enfermés dans des idéologies de cultures non évolutives, sont sans doute au cœur de projets collectifs essentiels pour la société de demain...

Bref, avec un petit peu d'optimisme et de combativité, je ne vois pas ce travail repartir, pour des nécessités conjoncturelles qui n'ont que peu à voir avec l'intérêt public, à la case départ... Propos recueillis par J.B. [http://mondomix-planet.com/productions/famdt/htdocs/index.php->http://mondomix-planet.com/productions/famdt/htdocs/index.php]


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