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Voix et Musiques du Monde

Entretien avec Renaud Kressman, programmateur de la saison Musiques du Monde à l'Auditorium de Seynod(74). CMTRA : Renaud Kressmann, l'Auditorium de Seynod près d'Annecy présente cette année une première édition de musique du monde. Vous êtes passionné de jazz, comment avez-vous été amené à réaliser cette programmation ?

Renaud Kressmann : Tout d'abord, je suis passionné de jazz, mais aussi de musique classique puisque j'ai dirigé un festival de musiques classiques pendant les jeux olympiques, dont j'étais un des co-responsables du "festival olympique des arts".

De manière général, je suis intéressé par tous les styles de musiques, je ne pense pas qu'il y est une meilleure voix qu'une autre. J'ai accepté de faire cette programmation musicale à l'Auditorium de Seynod parce que la personne chargée de la programmation l'année dernière a vraiment réalisé une saison de qualité sur le jazz puisque c'est le thème qu'elle avait choisi.

Aujourd'hui, elle a d'ailleurs monté un centre de jazz avec restaurant. L'Auditorium se posait donc la question : "Que proposer comme programmation musicale pour la saison 98/99 ?". Alors, pour des raisons à la fois musicales, d'ordre général et philosophiques, il m'a semblé important de proposer une programmation autour de la musique traditionnelle, autour de la musique ethnologique et populaire. J'ai donc présenté cette idée à Joseph Paleni, le directeur de l'Auditorium, qui, enchanté, m'a incité à lui faire des propositions pour les saisons à venir. CMTRA : Comment avez-vous orienté cette programmation musique du monde ?

R.K. : Je me suis mis à écouter intensément tout ce qui se faisait, j'ai noté des idées, j'ai lu notamment votre excellente revue pour comprendre un peu tout ce qui existait en musique traditionnelle. J'ai pu m'entretenir avec Philippe Fanise de Montpellier, un ancien d'Annecy, et avec Laurent Aubert de l'atelier ethnomusicologie à Genève.

A partir de ces contacts et des artistes que je connaissais déjà, j'ai essayé de trouver un sens autour d'une thématique très large. Mon objectif n'était pas d'avoir une musique trop savante et trop pointue, car le public d'Annecy est restreint. Nous sommes une "petite grande ville", donc il faut aussi attirer le plus de monde possible. La question était : "comment aborder sous des angles extrêmement variés l'expression populaire, les racines, l'expression des musiques venues d'ailleurs et de France".

Alors, j'ai écouté, et j'ai retenu les projets qui me semblaient les plus intéressants en me donnant comme objectif d'avoir à chaque concert une orientation différente non seulement dans le concert en lui-même, c'est à dire par son intérêt musical et ses origines, mais aussi une approche différente des concerts, avec une musique ethnologique, assez pointue comme avec Marina Pittau, musique de Sardaigne.

Une approche populaire et plus facile d'accès avec les percussions des frères Coulybali du Burkina Faso, qui est un spectacle visuel et émotionnel. Une approche d'écoute et de découverte avec le spectacle Occident/Orient qui est une superposition, un mélange et une confrontation de deux genres entre un quartet de jazz suisse et de la musique traditionnelle thaïlandaise. On est toujours surpris de voir que ce mélange est à la fois quelque chose de séparé et en même temps qui offre une nouveauté musicale quand ces genres se rencontrent et se fondent l'un en l'autre.

La programmation est donc très éclectique, soit populaire, soit savante, soit de mélanges culturels avec toutes les expériences heureuses qu'ils peuvent produire. Cette diversité est un choix volontaire, nous souhaitons que le spectateur sache que lorsqu'il aura vu et entendu un spectacle, le suivant sera complètement différent. CMTRA : Comment allez-vous amener cela au public ?

R.K. : La programmation est inclue dans tout le programme de la présentation de Seynod avec des propositions d'abonnements spécifiques pour toute la musique et des conditions financières intéressantes. La communication se fera par des médias, par des radios locales qui suivront de très près notre saison.

Les musiques traditionnelles intéressent de plus en plus de monde, et les médias sont à l'écoute. Je me réjouis en plus de l'effet "coupe du monde" qui a réveillé chez les gens un intérêt vif pour la diversité, car je crois que c'est vraiment une philosophie de la vie et la base du progrès. Cela va aussi avoir un retour sur le travail qui s'est fait depuis de longues années dans ce domaine, sur une redécouverte des musiques traditionnelles qui n'étaient pas toujours entendues à leur juste valeur. J'espère de tout coeur que tout cela va donner un grand coup de pouce aux musiques traditionnelles.

Nous avons aussi choisi, d'une manière pédagogique, de toucher le jeune public, en présentant trois spectacles aux scolaires du collège de Seynod. Nous travaillons avec les professeurs, et j'ai demandé à chaque groupe, à chaque artiste de commenter leur spectacle. Certains parleront au public afin d'expliquer leur démarche.

Il y aura aussi évidemment un programme explicite pour que le jeune public sente et comprenne tout ce qui sera présenté, notamment pour le tango et la tradition populaire argentine.

Nous avons voulu insister sur cet aspect pédagogique sans toutefois casser le rythme du concert. Ces représentations se feront dans le collège même, pour aller vraiment vers les jeunes. Cette méthode nous a semblé être plus efficace que de les faire venir dans un lieu où ils se sentent un peu étrangers. Puis, il sera proposé à chaque fin de spectacle, une rencontre avec les artistes.

Pour les spectacles à l'auditorium, et afin de mesurer le besoin et l'enthousiasme des gens, nous proposerons lors de la présentation de saison l'idée de faire des débats après les concerts. CMTRA : On peut donc dire que cette programmation est une ouverture aux musiques du monde, justement par la diversité des genres musicaux. En allant un peu de l'avant, pour l'année prochaine, avez-vous en projet de faire quelque chose de plus spécifique, au niveau de la thématique ?

R.K. : C'est notre première édition, il est donc difficile d'anticiper. Attendons déjà la fin des trois premiers spectacles pour prendre un peu de recul. Mais, j'ai quelques idées qui demandent à mûrir : par exemple, je souhaiterais que l'on vienne à des spectacles musique et visuel, musique et danse ou expression scénique. J'aimerais y introduire le passage de musique ethnologique, plus réservée à une élite, mais qui, inclue dans une programmation se fera mieux accepter et permettra au public de l'aborder d'une manière ponctuelle dans la saison.

J'aimerais aussi travailler un peu plus sur les musiques traditionnelles françaises. Il se passe beaucoup de choses un peu partout en France, entre autre en Bretagne. Une autre idée serait de réaliser des concerts avec comme thématique "la voix", la voix dans les musiques du monde. Une particularité dans la programmation de cette saison est la troupe de danse "Grenade".

Elle joue sa création à Marseille en novembre 98, et nous la recevons à l'Auditorium en janvier 99. L'originalité de cette formation réside dans la différence, avec cinq danseuses d'horizons différents : la Tunisie, Madagascar, le Cambodge et la France. Comment ces femmes vont, au croisé de leur culture, se transformer en une seule et nouvelle femme, par l'expression corporelle et la musique bien sûr. C'est un exemple de ce que j'aimerais proposer l'année prochaine, dans la forme générale d'une programmation plus unie. CMTRA : Vous avez un coup de coeur pour la saison, ce sont "Les Pêcheurs de Perles" ?

R.K. : Oui, je pense que dans une programmation, il faut présenter des spectacles un peu connus, et puis des gens qui débutent. Les Pêcheurs de Perles tournent maintenant depuis deux ans, et pour moi ils ont une qualité de base, une très grande connaissance musicale. Ces gens ont fait des études poussées et ont une réflexion vraiment intéressante sur les musiques traditionnelles. Dans le spectacle qu'ils présentent, ils improvisent avec un fabuleux musicien d'Afrique du Nord autour de l'expression perse, juive, et arabo-andalouse. CMTRA : Pouvez-vous nous donner un aperçu du reste de la programmation ?

R.K. : Le duo Gauna/Marquez : Marquez est un grand guitariste qui a eu le grand prix du concours international de guitare de Paris, et qui était soliste avec l'orchestre philharmonique de Radio-France. C'est une énorme référence dans le domaine de la guitare, c'est un des cinq meilleurs guitaristes au monde. Il est peu connu dans le domaine des musiques du monde, mais il est très reconnu dans le domaine de la musique classique.

Le groupe Grenade, lui devient très connu : il a fait plusieurs émissions avec Canal + et Arte, et il se produit déjà bien dans les scènes nationales. De par le recrutement de jeunes danseurs issus des quartiers nord de Marseille, la troupe devient un événement. Josette Baïz, la chorégraphe et metteur en scène, forme des jeunes qui sont aujourd'hui demandés dans les plus grandes compagnies françaises parce qu'ils savent tout faire : le hip-hop, la danse contemporaine, la danse asiatique... Ce sont des jeunes d'horizons différents qui ramènent comme des pêcheurs, tout ce qu'ils ont acquis, toute leur sensibilité. Ce sont des jeunes très adaptables à une demande d'un chorégraphe, et grâce à cette ouverture, ils sont demandés un peu partout. Josette Baïz arrive quand même à les garder, mais ce n'est pas facile.

François Lindeman, pour la rencontre Occident/Orient, est quelqu'un de très connu en Suisse, et peut-être un peu moins en France, mais c'est un artiste de jazz confirmé, qui a fait le spectacle "Piano seven", sept pianos sur scène pour lequel il a eu droit a des critiques assez fabuleuses. Marina Pittau, "Choc du Monde de la Musique" en septembre 96 pour ses chants de musique de Sardaigne, c'est encore une référence.

Alors, "connu", ne veut pas dire grand chose, car c'est être "reconnu" par un certain milieu. J'ai hésité à faire venir des grandes vedettes, mais de toutes façons, pour des questions budgétaires, cela n'a pu se réaliser.

Seynod est une petite commune avec des moyens un peu limités comme toutes les petites communes en périphérie d'une ville. Ce n'est pas une scène nationale, et elle n'a pas la prétention de programmer d'énormes concerts. Je pense qu'il faut profiter d'une certaine souplesse de ces structures pour faire venir des artistes un peu moins connus, et en accueillir d'autres à l'occasion de tournée, comme cela s'est produit pour la rencontre Occident/Orient : c'est une formation de onze artistes sur scène, et si nous avons pu les recevoir, c'est tout simplement grâce à leur tournée, dans laquelle ils ont accepté d'intégrer leur passage ici à l'Auditorium de Seynod. Sinon, il est impensable de faire venir des gens de si loin et si nombreux. Maintenant, le problème en présentant sept concerts sur une saison, cela veut dire, sélectionner, et passer à côté d'autres spectacles de qualité. Mais, dans la durée et dans la perspective d'autres saisons, on espère que tout le monde aura sa place. En conclusion, j'entrevois de faire partager à vos lecteurs la citation de Jean-Claude Izzo : "Plus on s'enrichit de cultures, plus la pensée s'élargit, plus le monde s'ouvre à nous, et plus l'autre nous est proche, frère humain ". Contact :

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