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Au bonheur des cordes

Entretien avec Philippe Durand, directeur commercial du Service Musique de la société Savarez, fabrique de cordes pour instruments de musique dont le siège est à Caluire-et-Cuire (69). CMTRA : Philippe Durand, quelle est la dimension de la société Savarez ?

Philippe Durand : Savarez exporte dans le monde entier 60% de son chiffre d'affaires. Sur le marché français, nous sommes les seuls fabricants à avoir un large éventail de cordes, un catalogue très complet, avec un service de réponses aux demandes pour des cordes spéciales. Je m'occupe personnellement du calcul de ces cordes pour des instruments très variés. C'est une activité passionnante par le contact avec les musiciens, qui me permet de voyager et de découvrir les musiques du monde entier. La société Savarez met en œuvre les technologies les plus en pointe, mais c'est en fait une vénérable maison lyonnaise avec une très longue histoire! L'histoire débute au XVIIIe siècle, à Lyon. Un Italien nommé Savaresse, venu de Naples, crée un atelier de fabrication de cordes en boyau pour violes, violons, et luths. Seuls les boyaux de mouton sont utilisés car ils présentent des qualités de résistance et d'élasticité incomparables. Leur texture longitudinale leur permet de supporter des tensions importantes. Au XVIIè siècle, les instruments de musique sont dotés de cordes de boyau nu de même diamètre, sous-tendues ou sur-tendues pour obtenir l'accord. On a ensuite fait varier les épaisseurs des cordes pour obtenir un meilleur équilibre de tension malgré l'inconvénient d'avoir des cordes basses de gros diamètre difficiles à mettre en vibration. On a ensuite alourdi le boyau par trempage dans un bain d'oxyde de cuivre ou de fer. Au XIXe siècle, on entoure le boyau d'un fil de métal, d'abord de cuivre, puis d'argent, pour alourdir la corde et en diminuer le diamètre. L'atelier Savaresse reçoit en 1843 une distinction, qui récompense la qualité de ses cordes de violon en boyau. Il s'agit d'une « ordonnance du roi » qui distingue son savoir faire. En effet, la fabrication des cordes en boyau est complexe. Le boyau de mouton est nettoyé, coupé en lanières, trempé dans des bains pour le blanchir et le rendre plus résistant, plus transparent. On assemble plusieurs lanières en fonction du diamètre final souhaité, en les retordant. On tend les cordes dans un séchoir, et le collagène contenu naturellement dans le boyau soude les lanières entre elles. Le boyau devient translucide, se rétracte, et on obtient une sorte de long « spaghetti ». Ce boyau, longtemps employé brut, est alors poli avec des papiers abrasifs, pour obtenir une corde lisse, sans variation de diamètre. Sa justesse en dépend. On l'huile alors pour l'assouplir et la conserver jusqu'à utilisation. On utilise de nos jours les techniques de vernissage, qui prolongent la durée de vie des cordes.







À Lyon, le début du XXe voit naître l'industrie chimique et l'invention de nouveaux matériaux. Quelle est l'incidence sur la conception des cordes d'instruments ?

L'avènement du nylon, en 1938, va bouleverser la fabrication des cordes. Le renouveau de la guitare classique commence...Savarez est le pionnier de la corde nylon pour la guitare classique, parallèlement avec la maison Augustine aux USA, et le monde de la guitare classique va connaître alors un épanouissement planétaire .À la même époque, les cordes métal Argentine, mises au point par Savarez en 1932, sont adoptées par les guitaristes manouches. Django Rheinardt les utilise longtemps avant même que nous le sachions ! À l'époque, la corde Argentine est vendue en vrac. Le nom Argentine a été choisi pour le son argentin, cristallin, des cordes, sans rapport avec le fameux gaucho, apparu sur les sachets de cordes après la guerre, loin de la signification originale. Django Rheinardt les a utilisées toute sa vie, et elles sont les seules cordes à bien sonner sur les guitares manouches, les fameuses Selmer-Maccaferri, mises au point elles aussi à cette époque. Soixante-dix ans plus tard, les cordes Argentine connaissent un essor considérable, grâce à la demande créée par le renouveau actuel de la musique manouche. Même si il y a quelques copies sur le marché, les cordes argentines sont toujours reconnues par les musiciens concernés comme les cordes faisant réellement sonner ce type de guitare. Dans les années 50, une révolution musicale venue des Etats-Unis fait irruption dans toute l'Europe, le rock n'roll. Comment réagit la maison Savarez ?

Dans les années 50-60, la guitare électrique s'impose, avec des cordes aux caractéristiques nouvelles. Les Américains, arrivés les premiers, sont toujours leaders, alors que nous sommes dans les trois leaders mondiaux en cordes de guitare classique. Pour faire une bonne corde de guitare électrique il y a moins de technique à mettre en œuvre que pour une corde de guitare classique, ou de violon. C'est soit un fil d'acier nu pour les deux ou trois premières cordes, soit un trait de métal, généralement de nickel, qui recouvre un fil d'acier. Nous avons créé à la fin des années 50 la marque Black Sun, une gamme complète de cordes pour guitares acoustiques, guitares électriques et basses, en développement permanent. Quelles autres avancées technologiques majeures avez-vous initiées ?

En 1989, nous avons découvert la possibilité d'adapter un nouveau matériau à la fabrication des cordes harmoniques : le PVDF - baptisé KF Alliance chez Savarez . Matériau aux avantages certains grâce principalement à sa densité, proche du boyau, sa mise en œuvre est néanmoins assez délicate. Son traitement moléculaire, son taux de cristallinité doivent être rigoureusement constants. Le nom KF, en relation avec le fournisseur de fibre a été traduit rapidement par Karbon Fiber - fibre de carbone - alors qu'elles n'en contiennent pas. Quinze ans après, les musiciens pensent toujours que c'est de la fibre de carbone, alors que c'est tout à fait impossible de faire des cordes avec ce matériau, beaucoup trop raide et cassant ! La conception d'un nouveau modèle de cordes requiert la maîtrise de nombreuses techno-logies, un grand travail de recherches techniques, mais elles seront utilisées par des instrumentistes. Quelle relation établissez vous avec les musiciens dans l'élaboration des nouvelles cordes ?

Au début, notre ingénieur détermine sa corde de façon théorique, recherchant le meilleur compromis entre flexi-bilité, timbre, puissance, richesse. Il fait plusieurs cordes prototypes puis les teste en laboratoire. On pense souvent qu'une corde très tendue donne un son plus brillant. En fait, elle peut brider l'instrument en exprimant une force trop importante sur le chevalet ou la table et la vibration sera bloquée. A l'inverse, une corde trop molle ne fera pas vibrer le chevalet ni la table qui ne pourra pas remplir son rôle d'amplificateur. Il faut donc rechercher la tension d'équilibre. Une fois la corde élaborée, elle sera jouée par un grand nombre de musiciens professionnels qui, eux seuls, avaliseront sa mise sur le marché.







Vous proposez des cordes pour la vielle à roue, le oud, le banjo ténor, le charango, la mandoline. Comment élaborez-vous ces jeux de cordes ?

Nous faisons des efforts constants dans cet univers musical inépuisable. Nous proposons par exemple des cordes de mandoline en métal, issues de la gamme Argentine, mais pour ce même instrument certains musiciens peuvent vouloir des cordes en boyau pour retrouver des sonorités originales, des cordes en nylon pour la stabilité d'accord ou encore des cordes métalliques d'un diamètre ou d'un poids spécifiques. Nous travaillons alors en collaboration directe pour essayer de résoudre leur problème acoustique. Dans l'univers des musiques du monde, il y a une foule d'instruments rares, d'origine lointaine, l'Inde, l'Orient, l'Asie, et les instrumentistes souffrent en permanence de la pénurie de cordes adaptées. Avez-vous des réponses pour ce type de demande ?

Nous avons de nombreuses solutions au travers de notre gamme de cordes pour instruments historiques et traditionnels qui offre un large éventail de diamètres en nylon, boyau et KF, ainsi que des cordes filées de différents poids unitaires. Nous avons un logiciel de calcul qui nous permet de déterminer à partir d'une fréquence, d'une longueur vibrante et d'une tension les cordes les mieux adaptées à un instrument quel qu'il soit.. Nous pouvons également être conduits à fabriquer de nouvelles cordes très spécifiques pour des instruments expérimentaux. Vous laissez donc espérer aux joueurs de ukulélé, de bouzouki, de saz, de banjo turc, de kora, qu'ils pourront, en s'adressant à vous, trouver une solution !

Beaucoup d'instruments ne posent pas trop de problème, les cordes pour ukulélé, charango, bandurria, bouzouki, kora, etc... font déjà partie de nos fabrications. Pour d'autres, comme le saz turc par exemple, leur production nécessite la commande de fils d'acier spécifiques uniquement disponibles en quantité minimale très importante et ne permettant pas de fabriquer un petit nombre de cordes de façon économique. Nos limites se trouvent là. Vous avez cité un logiciel de calcul de cordes que vous utilisez pour les cordes spéciales. Est-il commercialisé ?

Il est offert sous la forme d'un CD Rom aux luthiers et aux musiciens qui souhaitent faire leurs propres calculs. Il a été développé par nos soins et fonctionne sur PC sous Windows. Propos recueillis par J.B. Contact [www.savarez.com->www.savarez.com ] -

[ssavarezMV@aol.com->ssavarezMV@aol.com]

Tel. 04 37 40 32 00


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