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L'ENM de Villeurbanne, ou la créolité urbaine

Entretien avec Martial Pardo CMTRA : Martial Pardo, vous êtes directeur de l'ENM de Villeurbanne, école pionnière dans l'enseignement des musiques traditionnelles en Rhône-Alpes et au niveau national pour l'enseignement des musiques extra-européennes. Quels sont les enseignements proposés par votre établissement pour l'année 2001-2002 ?

Martial Pardo : L'école présente un département "musiques traditionnelles" pour l'instant consacré aux musique extra-européennes, avec six enseignants : trois postes de professeurs à temps complet, qui concernent le luth oriental avec Marc Loopyut, les musiques et percussions afro-cubaines avec Alain Pistre, et les musiques des Andes avec Jean-Michel Cayre, un poste de professeur à 12 heures, Nasser Saïdani, pour les percussions de Guinée, et deux postes d'assistants à temps incomplet pour les percussions maghrébines, le tabla et la danse africaine. C'est d'ailleurs un des seuls domaines ou l'école propose de la danse, en attendant la création d'un petit département danse, en projet.

Le département contribue largement au rayonnement de l'école : l'État a confié à l'ENM l'organisation de la préparation au C.A. de musique traditionnelle. Du fait de sa "créolité" urbaine, l'école a été choisie pour parrainer une jeune structure d'enseignement en Martinique et y a délivré des diplômes nationaux pour la première fois dans l'île (notamment en musique traditionnelle). Nasser Saïdani revient d'un voyage en Haute-Guinée avec ses étudiants. Marc Loopuyt rentre d'Azerbaïdjan d'où il ramène amis musiciens et répertoires. Alain Pistre engage pour la première fois le département dans la Biennale de la Danse. Jean-Michel Cayre reprend son opéra sud-américain. Iao Eby a monté un solo de danse qui témoigne avec brio de sa double-culture. Certains seront présents à la prochaine Nuit des Cultures au TNP, tous participent aux "concerts nomades" dans les quartiers.

Ces enseignements rassemblent 150 élèves chaque année, un public majoritairement adulte, ce qui provoque une réflexion pour l'avenir du département : la rareté et la qualité de ces enseignements attirent une demande qui laisse peu de place aux enfants. Comment concilier les deux publics ? Il existe déjà quelques fécondes transversalités avec les petits des classes de F.M. Cette activité dans l'école a été très longtemps hors cursus, avec sa propre structuration. Dès la naissance de l'école, Antoine Duhamel à fait appel à des professeurs de musiques traditionnelles qui sont toujours là, et historiquement, la structuration des cursus s'est construite d'abord dans les domaines classiques, musique ancienne et en jazz. Le rock, la chanson et les musiques traditionnelles se vivaient plus comme un lieu d'accueil, de ressources, pour des pratiques en amateur ou pour des publics confirmés.

Petit à petit les choses évoluent, il est reconnu une égalité de dignité pour toutes les esthétiques, l'effectif majoritaire restant dévolu aux cultures classiques, à peu près 50 % du volume d'heures pour l'école de Villeurbanne, et les autres 50 % sont répartis assez équitablement entre les musiques anciennement exclues, jazz, musique ancienne, musique traditionnelle, chanson, rock, musiques actuelles. Il arrive un moment où l'on s'aperçoit que tout processus pédagogique génère dans le temps, de toutes les façons, un cursus.

Ce qui fait débat, ce sont les valeurs qui vont habiter ce cursus, ainsi que sa souplesse, sa capacité à répondre aux attentes des différents types de publics et à être remanié en permanence. Il y a actuellement toute une réflexion, dans le cadre du projet d'établissement, sur une sorte d'anthropologie du cursus : qu'est-ce qu'un cursus, avec ses phases d'apprentissage, ses rituels de passage. Ce sont des choses qui paraissent évidentes, mais dans une école si multiculturelle, les mots ont besoin d'être travaillés, traduits, et surtout appropriés aux valeurs les plus précieuses de chacun. Il faut que ces cursus, loin de corseter un enseignement qui aurait été "libre" par ailleurs, servent la dignité et l'identité de ces musiques. Cela nous amène, dans toute l'école, à généraliser les cursus, à partir de cinq valeurs, communes à toutes les musiques : la culture et les langages, l'instrument, les pratiques collectives, l'invention, et le rapport à la vie de l'école et à la cité-monde. Quel que soit le musicien, l'époque où il a vécu, la latitude ou il a pratiqué, il s'est d'abord imprégné d'un ou plusieurs patrimoines, il a pris connaissance de langages, il a pratiqué un instrument, seul ou dans une pratique collective, pour créer ou recréer des répertoires, en se les appropriant, devant ou pour un public, ou dans un certain rapport au monde, spirituel, social ou autre. Ce sont des choses qui peuvent "accorder" tout enseignant, tout étudiant dans la maison. C'est une base de travail qui permet de décloisonner, et de s'apercevoir qu'on appartient tous à un processus générationnel, ou générique de la musique. Ces valeurs doivent être déclinées dans chaque monde esthétique : dans les cultures et les langages, chacun son patrimoine, chacun ses codes, son rapport ou son non-rapport à l'écriture, il y a toujours un mode de codage et de décodage.

En allant chercher un peu plus en amont, on trouve des filaments qui peuvent faire se rejoindre souplement tous les modes d'apprentissage. Nous souhaitons développer, par exemple, la polyinstrumentalité première. Là, les musiques traditionnelles peuvent nous aider, avec la symbiose qu'elles font souvent entre l'instrument, le chant, la danse, le corps. C'est la démarche générale de l'école qui grâce à "ses marges", lui permet de réfléchir et de remettre en question sa problématique centrale, y compris les cursus déjà installés en classique. Toute réflexion sur les cursus en rock, en chanson, la réflexion sur les arts de la scène, le rapport aux métiers de la musique, toute réflexion en musiques traditionnelles sur le rapport à la transmission, à l'oralité, à une autre forme d'écriture par encre sympathique sur la mémoire, sur le corps, sur les gestes du musicien, provoque en retour une réflexion sur les valeurs et les cursus déjà installés, sur leur enrichissement, souvent en termes d'invention, d'oralité.

Le DEM de musiques traditionnelles est en place depuis quelques années, et à ce jour, plusieurs étudiants sont sortis avec ce diplôme. Une étudiante est actuellement au CEFEDEM. Les choses vont s'amplifier, l'information circule, l'idée de cursus n'est plus repoussée, mais au contraire valorisée, l'appropriation se fait et les étudiants nous demandent de plus en plus, aux préinsciptions par exemple, si en musique traditionnelle, en chanson, rock, il y a des cursus diplômants. Ils savent peut-être que la filière se met en place, au travers du CEFEDEM, des CA de musiques actuelles, tous récents, et de musiques traditionnelles, plus anciens. CMTRA : Sur un effectif de 150 élèves dans le département, combien de nouveaux élèves sont accueillis cette année ?

M.P. : A la date où je vous parle, nous sommes en pleine période d'inscription, nous n'avons pas encore les chiffres précis. Mais cette année, vu le niveau de demande extrêmement fort, nous allons adapter notre réponse. Les places sont hélas rares, cela demande une réflexion sur des lieux d'accueil de pratiques collectives, et nous avons mis en place, en plus du cursus général valable pour toutes les disciplines, des cursus "accompagnement", ou "accueil", "musique d'ensemble", qui permettront d'éviter le tout ou rien. En complément du cursus long, l'école garde sa vocation d'hospitalité pour la pratique amateur adulte, et nous sommes en train d'affiner cette possibilité d'entrer dans l'école sous une forme plus allégée et plus collective. CMTRA : Il est clair que l'ENM de Villeurbanne ne peut répondre en totalité à la demande croissante dans l'agglomération lyonnaise. Vous paraît-il souhaitable que d'autres établissements permettent l'accès du public à ce type d'enseignement des musiques traditionnelles ?

M.P. : Doublement souhaitable ; il y a la demande, mais aussi les besoins. La demande est la face émergée des besoins. Les besoins en musiques traditionnelles en particuliers sont très forts, j'en suis persuadé. Pour peu qu'elles soient connues, dans les lycées, les collèges, les quartiers, ou au travers de l'exode rural, de l'immigration, ces musiques permettent de ressourcer beaucoup de jeunes, plus connectés sur les musiques actuelles, lesquelles d'ailleurs empruntent souvent aux traditions, de près ou de loin. En termes d'institution, je crois qu'il n'est pas bon d'être longtemps les seuls, parmi les établissements contrôlés par l'État, à proposer, cela. On a tous besoin d'un aménagement équilibré des ressources, d'échanges, de comparaisons, de collaborations, sinon on court toujours le risque d'un certain isolement. CMTRA : Les conditions d'exercice de l'enseignement de la musique sont en train d'évoluer. D'une part, la Charte des Enseignements Artistiques vient d'être promulguée par le ministère de la Culture, ministère de tutelle des Écoles de musiques et Conservatoires contrôlés par l'État. D'autre part l'application prochaine de la loi dite "loi Chevènement" va redistribuer les compétences, et notamment les compétences culturelles dans le cadre des communautés de communes et des communautés urbaines. Dans ce contexte, quel est votre sentiment quand au devenir des établissements d'enseignement artistique spécialisé ?

M.P. : Beaucoup d'incertitudes planent sur l'intercommunalité culturelle. L'ENM de Villeurbanne s'y prépare en clarifiant son projet d'établissement, en signant sa singularité. La nécessaire mutualisation des ressources ne fera sens qui si l'identité complémentaire de chacun est affirmée. À propos de la Charte, il y a de nombreux éléments dans lesquels je me retrouve en grande partie. Ce sont des documents qui témoignent d'une réflexion au niveau de l'État et de la profession depuis des années. La particularité de l'école de Villeurbanne nous conduit à essayer, comme tous les établissements, de combler certains retards et lacunes, mais aussi à aller "au-delà des schémas établis", comme nous y invite cette charte.

Parmi toutes les missions qui nous sont demandées, il y en a deux que l'on doit prendre pour emblème à Villeurbanne, compte tenu de la richesse et de la diversité de sa partition : la création et l'interculturalité. Le "Temps des Créateurs" et la "Nuit des Cultures" en témoignent chaque année. Propos recueillis par J.B. Contact

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