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Chanteurs de sornettes
Musiciens tout-terrain

« Ils se firent tailleurs de chansons sur mesure et parcoururent le vaste monde en clamant leurs sornettes à
 longueur d’apéros. Ils chantaient parmi les champs (sémantiques), ils chantaient parmi les gens (sympathiques) de tavernes en guinguettes, de terrasses en banquets et partout on louait leur adresse et leur bonne humeur. Ils
savaient les grands auteurs et moult recettes de cuisine, les paroles oubliées des chansons d’avant-hier et les joutes éphémères du repente… »


CMTRA : Vous êtes chanteurs de sornettes ?

Jérôme Vion : Oui, nous chantons sur mesure, nous chantons sur commande, des chansons de comptoir, des chansons à boire et à réagir, des chansons à s’interroger; nous sommes à la recherche d'un folklore imaginaire …

Vous êtes aussi semble t-il chanteurs- tout-terrain …

Oui, nous jouons dans les banquets du CNRS, les banquets philosophiques, les musées, les marchés, les appartements privés mais aussi les « grandes scènes » : nous avons joué au Divan du Monde récemment…

Les chanteurs de sornettes charment- ils les serpents ?

Pour l'instant, nous nous efforçons de faire taire ceux qui sifflent sur nos têtes… Notre nom vient de « Nous sommes chanteurs de sornettes », chanté par Malicorne dans les années soixantedix.

Vous multipliez les influences et les emprunts ; musiques brésiliennes, tchatcheurs slammers de quartiers, chanson et folk français, groupes de la mouvance occitane … et pourtant vous ne ressemblez à personne, comment faites vous ?

Nous réutilisons tout ce qui nous a nourri. Ce ne sont pas des styles musicaux spécifiques qui ont guidé nos choix, mais plutôt ce que la musique raconte, ce qu’elle transmet. Nos répertoires nous permettent aussi de faire le lien entre des formes traditionnelles, nos propres compositions et les grands auteurs de la chanson française, eux-mêmes bien souvent influencés par la tradition. Dan Jacobi et moi nous connaissons depuis longtemps. La musique est notre terrain de jeux depuis une dizaine d’années, mais nous sommes passés par beaucoup d’autres formes d'expression avant qu'elle ne s’impose à nous. Nous avons commencé à chanter spontanément, dans des situations qui s'y prêtaient; puis nous avons réalisé que notre démarche croisait d’autres répertoires et nous avons commencé à construire le nôtre. Nous avions besoin de musiques, de chants, et de les vivre « dans la vie » et non pas assignés à une scène, en représentation, à grands renforts de moyens techniques.

Griots africains, repentistes brésiliens, troubadours occitans semblent être des figures qui vous inspirent. Qu’est ce qui vous séduit dans ces formes musicales que vous vous êtes réappropriées ?

Donner beaucoup avec peu de moyens et chanter partout. Mais je préfère le terme de « saltimbanques », car nous sautons volontiers sur les bancs (c’est la traduction).

De toutes ces influences, il y a en commun l’idée d’improvisation, de joutes, et de jeu avec la langue.

Effectivement, le « repente » est une forme fascinante, car elle se situe dans l'immédiateté de l'acte de chanter. En réalité, c'est une forme très exigeante qui suppose une longue pratique : nous y travaillons. Ce qui rapproche notre démarche de ces notions, c'est surtout une grande réactivité, un certain opportunisme, afin de sortir la bonne chanson au bon moment. Il s'agit pour nous de construire des répertoires en fonction de situations données, à l'instar des griots africains. C’est peut-être prétentieux, mais nous chantons avec pour idée de rendre à la musique sa fonction sociale originelle; au contraire des musiques actuelles de grande consommation où l’intérêt social est limité, voire inexistant …

Vous proposez plusieurs types d’interventions, pouvez-vous nous les décrire?

Nous avons une formule acoustique et une formule amplifiée. Ces deux propositions nous permettent de jouer dans des lieux très différents et de nous adapter aux demandes et à des contextes spécifiques. Elles sont d'autant plus adaptables qu'elles peuvent également fusionner en une formule « intermédiaire » qui convient particulièrement aux bars animés et leurs publics surchauffés. La formule acoustique est notre formule d'origine; elle se caractérise par un grand dépouillement (voix et percussions légères) et par son immédiateté d'action, propre à placer le public dans la connivence; quitte à ce qu'il chante avec nous… Nous avons aussi mis au point une formule amplifiée, avec éclairage portatif et instruments à piles, pour pouvoir jouer en pleine forêt, au sommet d'une montagne, ou sur le tapis de ton salon; bref toute sorte d'endroits inattendus, voire inexplorés... Nous appelons ça de « l’électroportatif » : la musique électronique est généralement associée à un fort volume et à des styles musicaux définis par les maisons de disques; nous l’utilisons dans une dimension intimiste, avec un ampli de 15 watts, et décalée car il s'agit d'un répertoire constitué de chansons traditionnelles, de textes littéraires et de variété française des années soixante à nos jours. On bricole beaucoup avec les samplers et les instruments électroniques (certains de ces instruments, comme le stylophone, sont déjà des antiquités technologiques!) : ce sont nos outils quotidiens; donc pourquoi ne pas les relier à des formes traditionnelles? Nos ancêtres l'ont fait avec ceux dont ils disposaient…

Vous faites aussi des hold-up musicaux de l’espace public avec la plasticofanfare …

Il s'agit en fait de « Grands Déballages de Plasticofanfare », où le public devient un orchestre éphémère qui joue sous notre direction. Les instruments (vents et percussions) sont fabriqués par nos soins à partir de matériaux de récupération et d'objets détournés de leur usage initial. Notre parc d'instruments capable d'équiper plus de deux cent personnes…

Quels sont vos instruments et comment les utilisez-vous ?

Les instruments dont nous jouons, comme le berimbau et le pandeiro (tambourin), sont très connotés parce qu’ils sont associés à une tradition musicale spécifique : la capoeira. Nous les utilisons dans une dimension plus universelle. Pour nous, ce ne sont pas des berimbau (car nous ne sommes ni brésiliens ni capoeiristes et nous ne le serons jamais!) mais un bourdon et une chanterelle qui remplissent tout naturellement leur fonction de guidechant. À partir de ces instruments, nous pouvons aborder tous les répertoires qui fonctionnent sur du chant monodique. Nous avons appris par la suite que ce genre de cordophones existait en Provence au Moyen-Âge, et plus récemment en Allemagne (le bumbass). Ce sont ces allers-retours entre les cultures, les époques qui nous intéressent … Sans être des musiciens traditionnels, nous sommes empreints de musique traditionnelle, car, pour nous, c’est celle qui évolue, qui est en mouvement et qui se régénère parce qu’elle est inscrite dans un contexte, dans une époque et qu’elle s'enrichit de leurs évolutions.

Pouvez-vous nous parler des interventions chantées que vous faites dans les musées ?

Nous sommes régulièrement sollicités par la Conservation du Patrimoine de l’Isère pour intervenir dans des musées. Depuis 2003, nous avons joué à Grenoble, Mens, Pellafol et Villard de Lans. Nous créons pour l'occasion un répertoire spécifique qui nous permet de conduire des visites guidées en chansons. Cela suppose un travail préalable d’entretiens, de collectages d’informations sur le contenu des collections et leur origine, auprès des conservateurs, de la population locale, et d'internet. On s’amuse avec l'espace muséographique, on joue avec l'indexation, on taquine les sémiophores. Tous les moyens sont bons pour donner du sens, même s'il faut en passer par de violents chocs sémiotiques!

Avez-vous un intérêt particulier pour les langues, les patois ?

Je suis né et j'ai vécu jusqu'à mon adolescence à Dijon. C'est un endroit où la langue locale a presque disparu, où la culture locale est très appauvrie… c'est un territoire occupé par la bourgeoisie paysanne qui s’est enrichie avec le vin, dotée d'une mentalité à laquelle je me suis toujours senti étranger. La tradition y est très folklorisée, très figée, en tout cas à l'époque où j'y vivais; c'est pour ça que j’ai très tôt éprouvé le besoin de me nourrir à d'autres cultures : pour m'en inventer une. Dan, en revanche, est né à Salon-de- Provence. Ses grands-parents parlaient occitan, c'est une langue « qui lui parle ». Nous ne sommes pas des occitannistes, mais nous sommes attirés par la musicalité de cette langue et par la richesse de sa culture; au même titre que de nombreuses autres. Nous aimons l’idée de pouvoir chanter dans plusieurs langues, même si on ne les parle pas, nous pensons que le sens d’une chanson transparait bien au delà de celui des mots : en tant que fervents admirateurs de Danyel Waro, nous avons mis au répertoire plusieurs de ses chansons, en Créole de la Réunion. De manière générale, les chants traditionnels nous inspirent car ils mettent en jeu précisément ce que nous cherchons : une forme donnée qui raconte une histoire particulière en l'ouvrant à l'universel.

Propos recueillis par P.B.


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