Boutique Mon compte
page facebook du CMTRA page twitter du CMTRA page youtube du CMTRA
accueil > nos actions > lettres d'information > lettre d'information n°62 - ... > lettres d'information > apprends- moi ton langage... Adhérer
menu
page facebook du CMTRA page twitter du CMTRA page youtube du CMTRA

Apprends- moi ton langage...
Chanter du Trad

Hier, une amie chanteuse, à la fin d'un concert, a fait ce commentaire :

J'ai aimé chanter cette version de l'empoisonnement de Millien (Allons au bois), j ‘avais un compte à régler avec mon compagnon, ça m'a soulagée.

Tout est dit...

Comment se choisissent les chansons ? en fonction du moment et de l'humeur ! Chaque artiste a sa lecture du répertoire, et y puise la matière qui construit son univers particulier, définissant son choix artistique.

Au-delà du regard patrimonial et ethnomusicologique, c'est un très large réservoir d'images, d'émotions, de sentiments, de formes poétiques.

Pour une simple interprète, tout est possible. D'autant que les mélodies, pour peu que l'on fouille un peu, sont absolument étonnantes et démontrent combien narration et phrasé musical sont parfaitement liés.

Me concernant, le choix des chansons est très différent d'une année à l'autre, car je change moi aussi, et ce répertoire m'accompagne dans les sentiers sinueux de la vie.

Les chansons choisies d'aujourd'hui, bien que puisées aux mêmes sources, sont très différentes de celles que je chantais à 20 ans.

Au début, je préférais les textes clairs, immédiatement compréhensibles : les chansons de mal mariées, celles de déserteur, les chansons coquines, les chansons d'empoisonneuses, celles décrivant des relations compliquées entre les hommes et les femmes.

Aujourd'hui je m'émerveille des textes qui font des « détours » et des « tiroirs », comme ci ces années passées à leurs côtés avaient déposé des strates plus subtiles. Les textes sont forts, en forme de bombes à retardement, ils vous lâchent leurs effets mystérieusement, au coin d'un mot, et ce ne sont jamais les mêmes...

Ce répertoire immense est un levier costaud à la création artistique. J'imagine des « scénari » en collant, découpant, superposant, au gré des histoires et des envies polyphoniques.

Au final, le sens peut s'être retourné, distordu, mais l'outil incontournable qui me pousse est bien le répertoire de la tradition populaire. Je ne revendique nullement le lien avec une identité régionale, je revendique surtout la rencontre avec ces chansons, avec ceux qui les ont « passées ».

Il y a les « codes de langage » qui, lorsqu'on les connaît, éclairent le sens. Je pense à ces extraits de « Passion de Jésus-Christ » dans les chansons de dépit amoureux (La nuit passée- Ardèche) surlignant l'intensité des sentiments (Je vois la mer couler, Et la terre trembler...), je souris à ces histoires ou l'on emmène les filles en bateau (filles qui, comme par hasard, changent de couleur au milieu de la mer ou de la rivière), à toutes ces bergères qui ne sont que des femmes disponibles (ne nous arrêtons pas au premier degré !), je m'émeut à l'écoute des chansons d'infanticide qui nous en apprennent beaucoup sur la difficulté de vivre.

Et il y a les autres, sans cohérence apparente (Papillon sur la chandelle) qui livrent simplement des images dont le sens change à chaque fois qu'on les interprète.

Les conteurs m'ont beaucoup appris sur la compréhension des textes (Jean Porcherot notamment) car conter et chanter, c'est toujours raconter. La magie, c'est de découvrir de nouvelles versions qui font rêver.

Dans ce monde si bien ciselé, j'y suis, j'y reste, avec gourmandise. Evelyne Girardon

Chanteuse, musicienne et comédienne, Evelyne Girardon privilégie le travail sur les répertoires polyphoniques et la tradition populaire francophone. Elle a fait partie des groupes La Bamboche, Roulez Fillette.

Dernier disque : Répertoire, double CD, L'Autre distribution Retrouvez Evelyne Girardon dans les lettres d'information [n°25->article1108], [n°56->article97], [n°48->article381], [n°63->article522]



Chanter, ça parle sans qu'il y ait besoin de dire.

C'est le cas du chant « traditionnel » qui dit des histoires (pas toujours) sur d'autres registres que celui du réalisme. On n'est pas dans la recherche du détail, la scène racontée crûment avec précision. « Ça » raconte... C'est un répertoire qui ne marche pas sur le mode descriptif et psychologique, il marche plutôt par images, par évocation, par sublimation.

Le réel dans ces chants n'est pas exposé mécaniquement ni directement, il est transposé dans une forme. Je le rapprocherais de la sculpture romane populaire, elle apparaît dépersonnalisée mais en réalité, elle va droit à l'essentiel, sans passer par le réalisme de la figuration. Ce type d'expression m'intéresse beaucoup. Comme par exemple, dans ce chant de moisson, en occitan de Gascogne : L'esparveròt que n'a nau plumas (bis)

Devath la huelha dau laurèr

l'esparveròt vola leugèr


[Le petit épervier a neuf plumes

Sous le feuillage du laurier

le petit épervier vole avec grâce.] Les paroles tendent vers une pure forme, la chanson est reprise avec 8 plumes, puis 7, puis 6, puis 5 ... jusqu'à ce qu'il n'en reste plus. Dans le vol, sous le feuillage, je ressens la plénitude possible.

En ce qui concerne mon répertoire, je chante surtout en occitan, mais je tiens aussi à la présence d'autres langues : le français, le catalan, l'espagnol.

L'usage de l'occitan (dans diverses formes dialectales) est perçu par le public comme porteur d'une certaine altérité, même en Pays d'Oc où la langue s'est minorisée. Le polymorphisme linguistique rompt les mécanismes restrictifs de la langue unique et fait que les textes traditionnels ne paraissent pas spécialement d'un autre temps ; ils sont normaux dans cette pluralité. J'ajoute que bien souvent je modifie un peu les paroles, je restaure un petit peu l'oeuvre (avec précaution car elle est souvent déjà sublime), je supprime les « francismes »; je présume que tout le monde procède ainsi.

Mon répertoire ne contient pas que du « traditionnel » ; il y a aussi de la poésie écrite : troubadours, poètes d'oc de diverses époques (par exemple Godolin, 17ème) et quelques menues choses que j'ai pu écrire.

Ce qui compte pour moi, c'est que cette poésie populaire parle des thèmes qui me semblent importants : la jeunesse, la vieillesse, la vie, la mort, l'amour, le dessous de la ceinture, l'homme, la femme, la petite braise de la violence qu'il y a dans l'humain, la beauté, le pouvoir exercé par l'un sur l'autre, le manque, le fait de pouvoir rire de tout ou presque, l'autodérision, la nécessité du calembour ...

Il faut qu'un récital soit un ensemble tantôt grave, tantôt cocasse et déjanté, mais jamais un aimable amusement inoffensif. Et ça existe, ça, dans les répertoires traditionnels, comme chez les poètes qui ont signé leurs oeuvres.

Je ne dédaigne pas les allusions claires quand elles ne prennent pas un ton lourd et scabreux. Voici le premier couplet (les autres étant à l'avenant) d'un chant que j'ai recueilli en Gascogne: Maria, ma aimia, qu'atz un bèth plapèr (bis)

e lo plapèr lo vòste e lo huret lo men

se volèvatz mia qu'evse i hureterem

[Marie ma mie vous avez un beau clapier

et le clapier le vôtre

et le furet le mien

si vous vouliez mie

nous vous y furèterions ...]


(traduction littérale) Ces textes évidemment sont magnifiés par le chant. Toutefois, j'estime utile d'y associer quelques présentations parlées, pour en présenter le sens aux non occitanophones et ça et là, y ajouter une brève impression que je peux avoir sur le moment. Peire Boissière

Collecteur et conteur du Haut-Agenais, Peire Boissière est aussi un chanteur remarquable soucieux des timbres, des techniques vocales et du phrasé lié à la langue. Il est spécialisé dans les répertoires occitans.

Formations : Solo, Cap Nègre

Dernier disque : Passat Deman, Trio Capnegre (l'autre distribution).



Des réactions particulières, d'autres témoignages ?

Ecrivez-nous au CMTRA : [cmtra@cmtra.org->cmtra@cmtra.org] Mises en forme et propos recueillis par P.B.


logo CMTRA

46 cours du docteur Jean Damidot
69100 Villeurbanne

communication@cmtra.org
Tél : 04 78 70 81 75

mentions légales

46 cours du docteur Jean Damidot, 69100 Villeurbanne

communication@cmtra.org
Tél : 04 78 70 81 75