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Les voies du dhrupad

Entretien avec Yvan Trunzler, musicien de Dhrupad, chant classique de l'Inde du Nord, à l'occasion de la sortie de son album et de l'ouverture des Ateliers d'Orient, consacrés à l'enseignement musical, à Lyon. CMTRA : Peux-tu présenter ce lieu d'enseignement musical que tu as ouvert récemment ?

Yvan Trunzler : Il s'agit d'une association qui a pour nom Les ateliers d'Orient, essentiellement destinée à l'enseignement de différentes musiques traditionnelles dont la musique classique de l'Inde à travers le dhrupad, genre musical très ancien qui est la base de toute la musique classique indienne, qui est toujours vivant et en évolution.

Les ateliers d'Orient accueillent également un atelier de percussions (tablas), encadré par Alain Chaléard avec qui je pratique régulièrement depuis que je me suis installé à Lyon. Nous proposons aussi un atelier animé par Viwanu Deboutoh, musicien d'origine togolaise, installé depuis peu à Lyon, un excellent chef de chœur de gospel et arrangeur. Par ailleurs, sont en projet des ateliers de musique instrumentale indienne avec un enseignement de packhawaj, tambour horizontal plus grave que le tabla.

Les autres ateliers instrumentaux dépendront des demandes. Le sitar, le santour, la flûte indienne bansouri et d'autres instruments indiens seront enseignés dans un premier temps sous forme de stages avec des professeurs invités pour la circonstance. Il y aura également des stages de chant diphonique avec des spécialistes qui sont aussi des élèves à moi. Bien entendu, des projets de Master-class dirigées par des maîtres Indiens sont en pourparlers. Tout cet enseignement vise aussi à préparer les futurs professionnels qui se destinent à se perfectionner en Inde. Pourquoi as-tu choisi de monter une nouvelle association plutôt que d'enseigner dans une École de musique ou dans un Conservatoire comme tu l'as fait auparavant ?

Suite à mon expérience d'enseignement au Conservatoire de Rotterdam, puis dans d'autres structures, je me suis rendu compte qu'il est préférable de disposer d'un lieu qui se prête plus à la transmission des cultures musicales éloignées. Apprendre ce type de musique demande une immersion plus profonde et il est nécessaire que les élèves puissent bénéficier d'un lieu adéquat pour s'imprégner de ces cultures, avec des moments de pratique collective dirigés, des répétitions, des photos, des vidéos, une librairie, de la musique et des rencontres, des soirées d'écoute commentées, des stages avec des grands maîtres Indiens. Un seul cours par semaine n'installe pas de repères suffisants.

La plupart des cours, surtout pour le chant, se déroulent en groupe de quatre ou cinq, pratique plus efficace au niveau des échanges, de la concentration et de l'écoute. L'enseignement en cours particulier n'intervient qu'à un stade plus avancé. Quel est ton parcours de musicien ?

C'est vers l'âge de trente ans que j'ai découvert l'Inde à travers sa musique, qui m'apportait quelque chose de très particulier, une sorte d'apaisement, premier pas inconscient sur le chemin de la connaissance de soi, première révélation d'un bien-être inconnu procuré par le non-penser de la méditation. Je suis parti pour suivre un enseignement de type bouddhiste.

Après quelques mois de séjours et après m'être complètement nettoyé de mes préjugés et du conditionnement du passé, j'ai compris ce que j'avais vraiment envie de faire, ce qui me faisait vibrer, tout en m'amenant vers une certaine sérénité. Sans réelle intention professionnelle au départ, allant, au gré des rencontres, de professeur en professeur j'ai finalement rencontré mes maîtres et ne les ai plus quittés.

Quelques années plus tard ils m'ont invité à monter sur scène, d'abord avec eux puis peu à peu en solo, m'initiant ainsi à cet art subtil. Ayant réalisé mon intérêt pour la pédagogie ils m'ont également conduit à la transmission orale, véritable laboratoire de la connaissance de l'homme et de la musique , m'invitant à participer à leurs stages et me confiant des élèves, Indiens et Occidentaux.

Après un premier séjour de huit ans, de 1978 à 1986 principalement passé au centre de Dhrupad de Bhopal (institution gouvernementale destinée à former professionnellement quelques élèves sur des périodes de six ans) je suis rentré en Europe. Deux ans plus tard, on m'a proposé un poste au Conservatoire de Rotterdam, département des musiques du monde pour trois ans. En 1990, au décès de l'un de mes maîtres et ayant pris conscience du travail qui me restait a faire sur le chemin de l'apprentissage, j'ai remis ma démission, et suis reparti avec une bourse de recherche du Ministère des Affaires Etrangères. Cinq ans plus tard, je suis rentré définitivement à Paris, puis à Montpellier et suis finalement arrivé à Lyon en 2002. Je partage donc mon temps entre les cours réguliers ici, d'autres stages en France, et les Ateliers d'ethnomusicologie de Genève.

C'est dans l'enseignement avec des élèves un peu avancés, dans un travail en profondeur, qu'on entre dans des intervalles de plus en plus petits, dans des ragas de plus en plus fins, que l'on débloque l'improvisation, que l'on libère l'impulsion rythmique et que l'on touche à l'essence de cette musique.

Les concerts quant à eux, apportent leur propre part d'émotions et de transmission, au travers d'expériences très différentes où on a parfois le sentiment d'effleurer la grâce, d'approcher le sacré. Peux-tu nous parler de ton disque à présent ?

J'ai vraiment le sentiment d'avoir croisé un collaborateur avec qui je suis en harmonie artistique, plus qu'un producteur au sens habituel du terme. Ce CD est le résultat d'un travail commun, autant dans la rédaction du livret que dans la conception finale. Il est destiné à appuyer le dévelop-pement de ma carrière.

Le dhrupad est un genre musical qui possède une première partie uniquement mélodique présentant le raga, avec chant et tanpura. Un raga peut être défini comme un ensemble de notes, mais c'est bien plus que cela. Ces notes ont un poids, c'est-à-dire qu'il y a certaines notes sur lesquelles il faut insister et représenter souvent, d'autres un peu moins et d'autres qu'il faut à peine effleurer. Il y a également un ordre bien précis. On pourrait prendre la comparaison d'un tableau dont chaque couleur serait associée à une note. Où l'on dirait qu'il faut un peu de cette couleur, beaucoup de celle-là, qu'il faut les disposer de telle ou telle manière, dans tel ou tel ordre.

Du fait de l'importance d'une couleur dans un tableau, la perception d'une autre couleur voisine pourra être modifiée. De la même façon, la présence et l'intensité d'une note vont attirer les autres et les altérer. De ce fait, des ragas composés de notes semblables mais dans des proportions différentes nous inviteront à des états d'âme, à des climats, différents. Chaque raga est d'ailleurs associé à une heure particulière du jour ou de la nuit ou à une saison, à une atmosphère précise ("le rasa"), sans oublier bien sur la personnalité, l'humeur de l'interprète au moment précis de l'expression artistique (le "bhava"). C'est donc beaucoup plus qu'un mode musical au sens habituel du terme.

Dans le développement du raga, la première partie s'appelle alap. C'est une présentation note par note qui montre l'importance de chacune d'entre elles par la durée, la fréquence et l'ordre dans lesquelles on les présente. Les lignes mélodiques principales sont clairement exposées à la façon de voiles qui s'enchevêtrent dans l'espace, complétant ainsi l'exposé des couleurs, notes, par une forme habitée ("rupa").

À chaque niveau de tempo, des techniques vocales particulières qui leur sont propres viennent se greffer. Dans l'alap, on ne fait intervenir que des syllabes qui n'ont d'autre signification que leur pouvoir vibratoire, ce qui permet d'exprimer un sentiment à l'état pur. Dans la mesure ou il n'y a pas de message, c'est la personnalité de l'interprète et celle du raga qui sont en jeu.

Ensuite vient la partie rythmique, avec un poème, qui est composé comme une chanson avec un refrain, des couplets et qui est accompagné au pakhawaj ou au tabla grave. La percussion entre en jeu pour une composition, un bandish . Dans d'autres genres musicaux de l'inde, la présentation du raga (alap) est très courte et le tabla intervient très rapidement. Quels sont les thèmes des poèmes du dhrupad ? S'agit-il de reprises ou de compositions ?

Les thèmes vont du dévotionnel au philosophique, en passant par l'amoureux, l'érotique, l'héroïque, et peuvent aussi évoquer le sens musical, la justesse, la maîtrise, les différents pouvoirs de la musique. Ils ont été écrits par des poètes ou des musiciens, il y a quelques siècles. Ce sont ceux que l'on commence par apprendre. Ils sont ensuite composés par les chanteurs eux-mêmes ou choisis dans des recueils de poésie et mis en musique. À l'origine poèmes courts, ils peuvent durer jusqu'à vingt minutes avec les improvisations et le dialogue avec la percussion ou avec un autre instrument mélodique comme le saranghi ou la rudra vina.

Dans ce disque, le premier raga est un thème de la nuit installée à la fois dans son mystère et dans sa douceur : Rag Marwa. Le deuxième est un raga du matin, Asavari, qui a été enregistré au festival "Lumière de l'Inde" de Terre du ciel, où les gens viennent chaque année s'immerger dans la musique indienne pendant quatre jours.

On peut y entendre différents ragas interprétés au moment opportun, ragas du matin, de l'après-midi ou du soir qui ont tous une saveur particulière inspirant des émotions de formes diverses. Propos recueillis par Y.E. Les ateliers d'Orient

Lyon Croix Rousse

04 78 30 47 73 / 04 78 39 84 27 Chant classique de l'Inde. Dhrupad.

Yvan Trunzler, chant.

Debashish Brahmachari, tabla.

Sound of World / Harmonia Mundi

P & C SOW 2003

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