Conversation avec Julien
Tombois, Boris Cassone et
Nicolas Gréaux,
respectivement guitariste
gaucher de droite,
contrebassiste centriste sans
opinion et guitariste droitier de
gauche du groupe
Cornegidouille !
CMTRA : Nous pourrions commencer
par un tour de présentation...
Quel est votre parcours musical ?
Julien Tombois : J'ai commencé la
guitare à l'âge de 14 ou 15 ans, je faisais
surtout du rock à cette époque-là.
J'écoutais Django Reinhardt depuis
quelques années et je m'étais dit que
c'était pas abordable pour moi. Et puis
il y a trois ans j'ai commencé à m'y
intéresser un peu plus et à découvrir
d'autres guitaristes comme Biréli
Lagrène. J'ai commencé à bosser des
trucs puis à ne faire plus que ça.
Ça a
changé beaucoup de choses dans mon
jeu et ma manière d'aborder la
musique, parce qu'il y a beaucoup
d'impro, une manière de jouer, des
positions qui ne ressemblent pas du
tout à ce que je faisais avant. Du coup
j'ai arrêté tout le reste et d'ailleurs
quand j'essaye de jouer autre chose, ça
fait bizarre, le style manouche
ressort...
Boris Cassone : Oui mais inversement,
ta manière de jouer du
manouche est un peu rock'n' roll...
Nicolas Gréaux : Moi j'ai un parcours
un peu dans le même style. J'ai fait de
la guitare dans des petits groupes blues
rock et après j'ai travaillé la guitare
flamenca à l'ENM de Villeurbanne,
pendant quatre ans.
Pendant un
moment je ne faisais que ça et puis peu
à peu j'ai perdu la foi. Ça demandait
énormément de travail et je ne me
retrouvais pas forcément dans ce style-là.
J.T. : Tu disais que c'était l'impro qui
te manquait...
N.G. : Le flamenco c'est quand même
assez rigide, on se rend pas forcément
compte... Il y a vachement de règles,
tu ne sors pas trop des sentiers battus
avant d'avoir atteint un certain niveau.
J'en ai eu marre de faire de la guitare
alors je me suis mis aux percussions
cubaines. On a monté un groupe de
percussions afro-cubaines, Ahi nama
et puis Zambezi...Au bout d'un
moment, j'ai commencé à écouter du
jazz manouche, mais pas forcément
Django, j'ai plus écouté Biréli et compagnie,
des piliers, quoi. Dans cette
musique, j'ai enfin trouvé un moyen
de m'exprimer, un plaisir de jouer, de
travailler.
J.T. : Encore qu'on ne joue pas de
manière traditionnelle...
N.G. : Non, on n'a pas une approche
puriste.
Vous vous laissez une marge de
manoeuvre importante ?
B.C. : Ah ben ouais ! nos envies et nos
goûts musicaux sont hyper larges et
c'est là-dedans qu'on va chercher
notre zique. Par exemple, on aimerait
que Nico nous ramène des couleurs
flamenco...
N.G. : On a une tendance un peu
rentre-dedans aussi, un peu punk...
On continue le tour ?
B.C. : Ok. Bon ben moi je suis né en
1923 à Lille d'un père manouche et
d'une mère gadji... J'suis un
manouche chtimi. Non, c'est une
blague pour Tony. Alors moi aussi j'ai
commencé par le rock, à la guitare. J'ai
fait ça pendant quelques années. Après
j'ai complètement arrêté la musique
pendant deux ou trois ans ; et puis il y
a eu une sorte de déclic foudroyant
genre : il faut que je joue de la contrebasse
! au même moment je découvrais
les musiques improvisées et free;
j'ai écouté ces envies et je me suis
donc mis à la contrebasse par l'impro
libre...
J.T. : T'as commencé par le plus facile
quoi...
B.C. : Ah, ça, ça mériterait un autre
débat... Le manouche c'est venu
d'une rencontre, quand Julien et moi
avons rencontré Jibé qui jouait déjà
cette musique là et avec qui nous
avons monté notre premier trio, la
ch'touille. On s'est lancé là-dedans et
on a appris en jouant. Et puis, quand le
groupe s'est dissout, nous avons
décidé de ne pas lâcher le manche, on
a trouvé Nicolas sur le bord d'un trottoir,
et nous voilà, avec Cornegidouille !
Cornegidouille ???
B.C. : Nous avons choisi Cornegidouille
! parce que « putain de vaindieu
de bordel à cul de pompes à
merde », ça ne passait pas... Donc
voilà : cornegidouille ! c'est un juron
d'ancien français qui équivaut à
« saperlipopette » ou « sacrebleu », et
qui est notoire dans la bouche d'un
certain père Ubu.
J.T. : Avant on s'appelait La lanterne à
souinge et les gens nous disaient : hein ?
donc on a changé et maintenant ils font :
hein ? Il y en a même qui nous croient
pas du tout.
Et alors quand est né Cornegidouille
! ?
B.C. : Selon les historiens, mars ou
avril 2006...
Comment avez-vous monté votre
répertoire et comment le travaillez vous
?
J.T. : On a commencé par des reprises.
Ensuite on les a mis à notre sauce. En
ce moment on se concentre sur la composition.
B.C. : On travaille beaucoup en expérimentant.
On travaille une partie, on
essaye différentes façons de l'interpréter...
Mais nos versions ne sont
jamais arrêtées. on peut jouer un morceau
pendant quelques concerts puis
se rendre compte que ça ne nous plaît
pas et le modifier...
J.T. : En fait, ce qu'il essaye de dire
avec modestie c'est que chacun de nos
concerts est unique...
Chacun d'entre vous arrive avec ses
propositions ?
J.T. : Oui, des plans, des grilles, des
bouts d'idées....
B.C. : Par contre tout le travail d'assemblage
du morceau se fait en commun.
Et comment vous répartissez-vous
les parties, les solos de guitare ?
N.G. : Ce qui est bien c'est que julien
et moi faisons tous les deux de la rythmique
et du solo, nous partageons les
tâches.
J.T. : C'est pratique, quand l'un des
deux est fatigué...
B.C. : Mais ce qui est intéressant par
rapport au fait qu'il y ait plusieurs
solistes sur un même morceau, c'est
que chacun approche la mélodie et la
grille de façon différente, personnelle,
avec ses goûts, son touché... Du coup
chacun donne sa version du morceau.
J.T. : Et puis on essaye de laisser de la
place à la basse. Moi je trouve ça bien
de la mettre en avant parce qu'elle est
peu présente dans ce répertoire.
B.C. : Oui, la basse a été sclérosée...
J.T. : D'autant que ce qui est intéressant
avec Boris c'est son approche de
l'impro libre et du bruitisme, ce qui est
nouveau dans ce type de musique...
C'est un choix, cette formation instrumentale,
deux guitares et une
contrebasse ?
B.C. : Ça s'est trouvé comme ça....
Julien et moi sortions d'un trio, et pour
commencer un autre groupe, il fallait
au moins deux guitares. Aun moment,
un violoniste devait nous rejoindre et
puis il est jamais venu, donc on a
continué à trois ; mais ça peut évoluer.
La formule trio est intéressante parce
que légère et du coup on peut passer
partout ; de plus ça permet une certaine
souplesse dans la musique. La difficulté
c'est que cette souplesse peut
assez facilement se transformer en
fragilité...
Comment vous situez-vous dans le
style manouche ?
B.C. : Je crois qu'on est vraiment dans
l'époque, finalement. En écoutant
d'autres groupes de manouche actuels,
on se rend compte qu'on est parti dans
des optiques qui sont relativement les
mêmes, qu'on se retrouve sur les
mêmes notions. On ne peut plus
reprendre du manouche tel qu'il est,
faire de la reprise et rajouter juste des
solos dessus. On a envie de faire des
arrangements qui partent un peu en
délire.
J.T. : Même si on revient parfois à des
formes plus classiques, surtout pour
les valses.
Oui, on sent que vos valses sont
interprétées avec beaucoup de respect...
Un danseur ne peut manquer
de les trouver un peu
courtes...
N.G. : Oui, il y a un respect de la structure
et il y a peu d'impro dans la
valse...
B.C. : Ça c'est pour les valses classiques
qui sont très écrites ... C'est
comme si tu reprenais une sonate de
Mozart, c'est écrit, tu ne changes pas
une note, tu l'interprètes, c'est la seule
marge qu'il te reste. C'est pas une
question de rigidité. C'est qu'elles sont
tellement belles comme ça !
Mais tu peux improviser sur une
valse aussi... Vous vous permettez
donc d'improviser sur certains
morceaux et pas sur d'autres ?
B.C. : Bien sûr. Peut-être qu'à un
moment donné on commencera à
improviser sur les valses. Si on sent
qu'on a quelque chose à rajouter par
rapport au texte, peut-être qu'on se
lancera dans une impro. Quand Julien
joue une valse de Django Reinhardt,
il repique le solo, mais ça reste une
interprétation particulière de son solo.
Le jour où il aura quelque chose à dire
en plus de ce qui est déjà dit, il se
lancera...
Vous avez eu l'occasion de vous
confronter à un public dans différentes
circonstances ?
J.T. : On a beaucoup joué dans la rue.
On s'est rodé un peu comme ça, en
confrontant nos morceaux au public.
Accessoirement, ça nous a permit de
gagner un peu d'argent, parce qu'on
casse pas mal de cordes.
B.C. : Jouer dans la rue reste toujours
une forme privilégiée de concert, tu
changes en permanence de conditions,
au niveau de l'acoustique, de l'agencement
du lieu qui a une grande incidence
sur la manière dont notre
musique est reçue. Sur le marché de
la Croix-Rousse, c'était pas du tout
pareil que dans une petite rue à Saint-
Jean où on a pris un sceau d'eau sur la
tête !
N.G. : Un mois après avoir commencé
à répéter, on a eu notre premier concert
en bar et puis on a fait une démo. C'est
un groupe qui n'a que cinq mois ...
Le swing était une musique à
danser... Comment envisagez-vous
la place de la danse dans votre
musique ?
B.C. : Aujourd'hui, c'est très rare que
les gens dansent, à part sur les valses.
Moi j'adorerais jouer pour des gens
qui dansent. Pourquoi ne pas proposer
de montrer les pas du swing
comme ça se fait dans les musiques
klezmer ou folk ?
Sur votre démo, vous précisez
« swing (a)manouche »... ?
B.C. : C'est histoire de calmer un peu
les non-comprenants qui disent que
comme on n'est pas manouche, on n'a
pas le droit de jouer cette musique.
C'est l'éternelle bêtise qui veut que
quand t'es pas gitan , tu joues pas de
flamenco, si t'es pas alsacien tu
manges pas de choucroute etc... On
voulait écarter le malentendu d'un
coup de « a » privatif.
J.T. : Une fois on est rentré dans un bar
pour donner notre démo et on nous a
dit : « ah, ben les Manouches ils sont
de plus en plus blancs cette année ! »
C'est jamais bien méchant, mais on
nous a fait des remarques un peu plus
mesquines. On ne prétend pas jouer
comme des Manouches.
B.C. : Donc swing (a)manouche c'est :
« Faites pas chier, on joue comme on
aime ».
Propos recueillis par Y.E.
Contact
CORNEGIDOUILLE !
06 28 04 66 87 /
[cornegidouille@laposte.net
->cornegidouille@laposte.net]
photos : Yaël Epstein
Concerts :
le 13 octobre
au 6e Continent
51, rue Saint-Michel
Lyon 7ème
le 16 octobre
à Cassoulet whisky pingpong,
4 rue Belfort
Lyon 4ème
le 17 novembre
au 6e Continent
51, rue Saint-Michel
Lyon 7ème
le 23 novembre
à la librairie Musicalame
16 rue Pizay
Lyon 1er
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