LE PAYSAGE DE LA SOIE
Les mûriers
Silhouette trapue au coin de l’aire, hérissée de fines branches 
dénudées bien avant les chutes d’automne : c’est le mûrier dont on a 
ramassé la feuille pour les dernières chèvres ou pour les lapins. On est
 fier de l’arbre que ne connaissent pas les gens de passage. Son ombre 
est douce sur le seuil ou en bordure des terrasses qu’il occupe avec la 
vigne. Il lui fallait une bonne génération pour bien produire : "Olivièr
 de mon grand, amorièr de mon paire, vinha de ièu, endè vos, crebarai 
pas de fam" disait le proverbe ("olivier de mon grand-père, mûrier de 
mon père, vigne de moi-même, grâce à vous je ne crèverai pas de faim").
Le mûrier poussait partout : : "Au bord des chemins comme dans la 
cour des mas ; dans les riches plaines de Vallon ou de Saint-Just, comme
 dans les faysses des Cévennes ou les failles des bancs rocheux des 
Gras ; au bord des terres à céréales, au milieu des vignes et des 
prairies ; ou le long des chenevières, ou bien encore en belles 
plantations ordonnées "(G. Massot).
Chaque printemps, début avril, on guettait le gonflement de ses 
bourgeons pour mettre la "graine" de vers à soie à éclore. C’était le 
signal du début de la saison. La feuille se "trayait" à la main et se 
recueillait dans la saqueta. Entièrement dénudé pour les vers, l’arbre 
généreux repoussait et ce regain mis à sécher servait de nourriture pour
 les chèvres l’hiver. "Cet arbre-là, c’était de l’or pour le pays". A 
l’heure actuelle, seul son feuillage le signale encore lorsqu’à 
l’automne il éclabousse de lumière les coteaux embroussaillés ou les 
vallons déserts.
Les magnaneries
Si un coin de grange ou une pièce d’habitation suffisaient amplement
 dans les Boutières à l’élevage modeste que conduisait presque chaque 
ferme, des magnaneries ont été construites en grand nombre au siècle 
dernier, dans la Cévenne et en Bas-Vivarais. On agrandissait ces 
magnaneries au fur et à mesure qu’on gagnait de l’argent avec la soie. 
Les maisons étaient souvent réhaussées d’un étage et la magnanerie 
installée directement sous le toit, avec de rudimentaires cheminées 
d’angle pour chauffer ce qui était inchauffable en cas de mauvais temps.
 Jusqu’au début du 19ème siècle, le dévidage des cocons et le filage de 
la soie s’effectuaient artisanalement chez les paysans. La chaleur et 
l’odeur qui accompagnaient ces opérations ont amené les habitants du sud
 de l’Ardèche à concevoir des terrasses couvertes (couradous ou 
fialages), ouvertes sur l’extérieur par des arcades pour que la fileuse 
soit à l’abri du soleil et des intempéries, tout en travaillant en plein
 air. Ainsi furent modifiées la configuration et l’architecture de 
certains villages, certains hameaux.
Le ver à soie
Une once, c’est 30 grammes de graines (oeufs), donc 40 000 oeufs, 
1m2 à l’éclosion, 60m2 après la 4ème mue, environ 2000 kilos de feuilles
 pour la nourriture des vers. Le ver, qui subit quatre mues, atteint 10 
000 fois son poids initial en moins d’un mois. Un cocon donne de 1000 à 
1800 mètres de soie.
La production en Ardèche
1850 : 3 500 000 kg de cocons (apogée de la production)
1857 : 550 000 kg de cocons (maladie, la pébrine)
1900 : 2 000 000 kg de cocons (Ardèche second département producteur après le Gard qui produit 2 400 000 kg)
1957 : 50 000 kg de cocons.
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