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Glik, musique arc-en-ciel
Entretien avec David Brossier et Pierre-Alexis Lavergne

CMTRA : Peux tu parler du badkhn* d'I. L. Peretz et dire aussi pourquoi il a inspiré Glik ?

Pierre-Alexis Lavergne : On a d'abord cherché des idées de répertoire, des axes de travail puis on avait envie de trouver un liant, pour donner une structure, une forme à l'album. David Lefèbvre (chanteur, bouzoukiste et cymbaliste du groupe) dans ses recherches, a lu « La nuit sur le vieux marché » de Peretz où l'on retrouve le personnage du badkhn, l'animateur de mariages. Ce dernier décide de bousculer l'ordre établi en provoquant l'arrivée, tant attendue, du messie. Pour cette occasion, il invite sur la place du marché toutes les figures disparues du shtetl*. Les klezmorim* sortent couvert d'algues du puit où ils étaient tombés après une noce bien arrosée.

CMTRA : Qu'est ce qui, dans les répertoires d'Ukraine, de Roumanie et d'Amérique vous a particulièrement attirés ?


P-A. L : Ce n'est pas tant le répertoire mais surtout la manière de l'interpréter, de l'arranger que nous empruntons à ces régions. Ce choix est motivé en partie par les possibilités de l'instrumentarium dont nous disposons. Selon les mélodies et les sources auquelles nous nous référons, nous optons alors pour un accompagnement façon roumaine, américaine ou jamaïcaine s'il le faut... Nous possèdons également des enregistrements d'ensembles juifs polonais ou russes. Mais ces orchestres, marqués par la musique militaire, de par l'engagement de musiciens juifs dans l'armée, comptent plus d'une dizaine d'instrumentistes et font la part belle aux vents et cuivres : 2 ou 3 violons, flûte piccolo, 2 cornets, clarinettes, tuba, trombone, contrebasse, tambour... Ils nous est donc plus difficile d'aborder ces sources. David Brossier : On a travaillé sur les répertoires qui avaient un peu cette ambiguité entre la zone géographique et la communauté juive. On a même une chanson roumaine qui est un peu limite (rires) :

C'est un peu surprenant, à partir d'un enregistrement qui s'appelle Oriental Hora (la ronde orientale) de Solinski, un violoniste juif du tout début du 20ème siècle. C'est une chanson très connue en roumanie et on retrouve cette mélodie avec un autre rythme dans un genre de musique roumaine qui s'appelle « Muzica Làutàreascà » qui est du sud de la Roumanie. Quand on écoute la version juive c'est clairement juif, et la version roumaine est clairement roumaine. On s'est dit qu'on allait brouiller les pistes, on est un groupe de Klezmer et on prend la version roumaine ! (rires)

CMTRA : Il y a longtemps eu un rejet de la part de la communauté juive quant au Klezmer (le musicien juif)?


P-A. L : J'ai l'impression que c'est une marginalisation séculaire. En relisant les notes de Zev Feldman sur cette question, nous découvrons les vieux a-priori négatifs véhiculés au sein de la communauté juive sur le compte du klezmer. Le premier c'était qu'il a le sens des affaires. C'est amusant de constater que cela puisse être un défaut. Il est bagarreur, porté sur la boisson, irresponsable et franc séducteur. Eh oui ! Et pour toutes ces raisons on l'appelle tsigane ! (rires) On a besoin d'eux parce qu'il faut bien danser pour vivre et qu'ils n'ont pas leur pareil pour nous faire danser, mais l'on ne marrierait pas nos filles avec eux... Le fait que les institutions juives se servent du Klezmer comme icône identitaire est assez récent.

CMTRA : Les Klezmorim animaient aussi les fêtes d'autres communautés religieuses, non ?


D.B : Je pense qu'il y a beaucoup de correspondances entre les musiciens juifs, tsiganes, roumains, je pense que c'est pareil en Ukraine. Leur boulot c'est d'être musicien, par conséquent il faut qu'ils s'adaptent à ce qu'on leur demande de faire et donc aux communautés qui les demandent. En Roumanie, à l'heure actuelle, ceux qui font le plus de musique pour les mariages sont les tsiganes. Autant pour la communauté tsigane, que roumaine ou hongroise (quand ils sont en Transylvanie). Ils adaptent leurs répertoires selon les communautés et les demandes.

J'ai rencontré un vieux musicien tsigane qui jouait pour toutes les noces juives parce qu'après la deuxième guerre mondiale, il n'y avait plus de musiciens juifs. Le seul qui connaissait la musique juive c'était un tsigane, manque de pot. Les juifs étaient un peu réticents mais ils n'avaient pas le choix. Je pense que c'était pareil pour les Klezmorim de l'époque, être demandé par les roumains d'à côté pour son savoir faire. P-A. L : A la fin du Moyen Âge en Autriche, Allemagne et Bohème l'instrumentaliste juif professionnel c'était le « Spielleute ». Il jouait principalement pour les chrétiens, faute de communauté juive suffisement importante... En revanche les klezmorim, à l'est de l'Elbe, bénéficiaient du soutien d'une large communauté. D.B: Il y a toute une réflexion au sein de Glik pour savoir comment on peut voir la musique Klezmer de nos jours. En fait, la musique a été reprise, il n'y a pas longtemps, elle avait arrêté d'évoluer depuis les années 1960. Parfois, on essaie d'imaginer ce que serait la musique Klezmer en étant resté en Roumanie. On a deux ou trois morceaux qui reflètent un peu ce côté là, influencé par la musique urbaine traditionnelle et moderne de Roumanie (Muzica Làutàreascà). Mais on essaie de préserver un côté un peu ancien. On va s'attacher à des enregistrements des années 1910 en essayant de reproduire ce son là, ce grain là, avec trois accords. A la limite, on va reproduire les pains de contrebasse ... Nous on a un répertoire arc-en-ciel !

CMTRA : Que nous réserve l'avenir ?


D.B : Nous travaillons actuellement à l'élaboration d'un spectacle. Autant on a un répertoire « multifacial, » autant on a une façon « mutlifaciale » de voir notre prestation. On travaille le côté scénique de la chose. On apporte chacun des éléments pour faire des numéros. On prévoit des pirouettes, des jongleries. On ne sait pas encore trop, mais on y réfléchit. P-A. L : Entre autres réflexions scéniques, nous nous demandons comment rendre accessible le sens des chansons et textes en yiddish dans une ambiance un peu absurde qui nous corresponde. Nous souhaitons également valoriser les potentiels extramusicaux présents dans l'effectif. Sylvestre, à la contrebasse, est également comédien et peut, à ce titre, se permettre quelques transgressions musicales et nous plonger dans la culture yiddish. Pour ma part, j'ai eu l'occasion d'apprendre les danses klezmer auprès de Zev Feldman et Mickael Alpert et nous souhaiterions inclure à nos prestations un moment de danse.

Propos recueillis par E.G

Glossaire


Badkhn : poète traditionnellement associé aux musiciens lors des mariages juifs pour animer avec emphase et humour la partie rituelle.

Shtetl : Mot Yiddish désignant un village juif.

Klezmer (pl. Klezmorim) : Musicien juif.

Pourim : Celle des fêtes juives qui donne lieu aux manifestations les plus exubérantes et pendant laquelle on se déguise.



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