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Carrefours de l'Orient méditerranéen
Les mille et une Turquies de Nadir Ipek

Entretien avec Nadir Ipek qui inaugure la quatrième saison des programmations musicales de l'Astrée à Villeurbanne, sous la responsabilité de Gérard Maimone. Soirée placée sous le signe des musiques du monde, dans la droite ligne des quatre merveilleuses soirées de la saison dernière organisées en collaboration avec le Centre des Musiques Traditionnelles Rhône-Alpes. CMTRA : Nadir Ipek, tu es diplômé du Conservatoire d'Istanbul. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les musiques savantes classiques ottomanes, jugées trop métissées, n'ont pas toujours été à l'honneur dans les conservatoires en Turquie... De quelle formation musicale hérite-t-on dans ce contexte ?

Nadir Ipek : C'est vrai que dans les années 30-40 il y a eu un rejet de la musique ottomane parce qu'elle évoquait trop Istanbul, qui était l'ancienne capitale de l'Empire et à ce titre le siège du palais, tandis que la nouvelle capitale de la Turquie, Ankara était, au centre du plateau anatolien, pour la création d'une identité nationale. Donc l'accent a été mis sur la récupération du patrimoine musical turkmène.

C'est pourquoi les musicologues du conservatoire ont axé leurs recherches sur les répertoires populaires, ils sont allés même dans les villages les plus reculés du pays pour recenser les chansons du "folklore" turc. Ils ont entrepris un grand travail de transcription et de diffusion de ce patrimoine. Un travail sur la langue a été mené en parallèle par les linguistes pour récupérer des mots "pur turc". Pour cela, ils ont puisé aux sources de la langue turque dans les pays turcophones d'Asie Centrale d'où sont originaires les Turcs. L'objectif était de "nettoyer" la langue turque des mots ottomans.

A partir des années 60, le pays a commencé à faire la paix avec son passé et à chercher à remettre en valeur son répertoire classique. Le conservatoire classique ottoman est né et a commencé à faire le même genre de travail que celui qui avait été fait pour la musique traditionnelle, cette fois dans les archives ottomanes.

Actuellement, en Turquie, il existe trois types de conservatoires : les conservatoires de musique traditionnelle, de musique classique ottomane et de musique classique occidentale. Quant à moi, je suis issu du conservatoire de musique classique ottomane où j'ai étudié le oud (qui n'est pas traditionnellement un instrument de la musique populaire contrairement au saz, luth turc à long manche frétté étudié au conservatoire de musique traditionnelle). Dans le cadre de mes études musicales, j'ai travaillé sur les peshrevs et semaïs qui sont des instrumentaux ottomans, sur les chants de fasil, chants de cour de la Sublime Porte et aussi sur le répertoire sufi. Ma formation de départ est donc classique. Je crois savoir que tu as complété ta formation de conservatoire par une approche de la diversité des pratiques vivantes, tu abordes aussi, par exemple, les répertoires des différentes communautés auprès desquelles tu as grandi à Istanbul...

En dehors de cette formation académique, j'ai baigné, comme chaque Turc depuis sa naissance, dans la musique traditionnelle. En effet toutes les occasions sont bonnes en Turquie pour faire éclater la musique : naissances, anniversaires, mariages, départs, arrivées, réunions en famille, entre amis autour d'un verre de "raki" etc.

D'une façon naturelle, la musique traditionnelle et ses rythmes (les rythmes turcs sont assez particuliers, comme Aksak, 9 temps ou Mandra, 7 temps ou Curcuna 10 temps) sont toujours dans la tête, dans les oreilles et dans le sang. Par exemple, maman me chantait des berceuses toujours en 9 temps et me faisait sauter sur ses genoux selon ce rythme boiteux qui me secouait pas mal. C'est donc tout naturellement qu'en dehors de l'école nous côtoyions tout le temps la musique traditionnelle et j'ai alors commencé à jouer aussi du saz dont la technique s'apparente à celle du oud.

L'héritage de l'empire ottoman, qui a régné pendant cinq siècles sur les Balkans et sur le monde arabe, fait qu'à Istanbul, la ville où je suis né et où j'ai grandi, de nombreuses communautés cohabitent. On y rencontre des Grecs, aussi bien que des Albanais, des Macédoniens, des Bulgares, des Tziganes, des Sépharades, des Arméniens et aussi des Arabes et des Persans.

Avec tous ces peuples qui ont, comme les Turcs, une pratique spontanée de la musique, il est évident qu'un échange se produit depuis des siècles. Alors, j'ai décidé de montrer ce coté de la vie musicale qui existe actuellement en Turquie. Par exemple, il y a de plus en plus de tavernes faisant de la musique grecque ou des jardins de thé où l'on peut entendre des airs égyptiens, ou encore, dans certains cafés, c'est la musique tsigane qui est à l'honneur. Quelle est l'originalité de ta démarche artistique par rapport à d'autres formations de musiques turques présentées en France ou en Turquie ?

Dans le répertoire choisi, avec ma formation en trio, avec Alain Chaléard aux percussions traditionnelles (darbouka, bendir, tef), Mohamed Zeftari au violon et moi-même au oud, au saz et au chant, je présente des pièces classiques ottomanes comme des syrtos et longas (compositions festives d'inspiration balkanique) et des intrumentaux et chants traditionnels turcs : karshilama (danse d'accueil) et tchiftetelli (accompagnement du cortège de mariage) pour faire vivre la vraie ambiance de mon pays. Nous interprétons aussi quelques chants en grec et en judéo-espagnol issus des répertoires rebetiko (des Grecs d'Asie Mineure) et sépharade (des Juifs d'origine espagnole).

Notre originalité par rapport aux groupes jouant en Turquie, c'est de mélanger la musique classique et la musique traditionnelle, par exemple je joue aussi bien du saz que du oud et j'interprète des chants classiques et des chants traditionnels. Tandis qu'en Turquie, on n'a pas l'habitude de mêler ces deux genres. Par rapport à la plupart des autres groupes turcs qui sont en France, nous nous en tenons aux instruments acoustiques sans introduire certains instruments électroniques comme le synthétiseur et notre répertoire comporte uniquement des morceaux traditionnels. Tu profites aussi de ton installation en France pour rencontrer des musiciens et te frotter à d'autres esthétiques musicales. En Turquie, quelles démarches artistiques ont marqué ta personnalité et te paraissent prometteuses ?

Je pense que j'ai la chance d'être né dans une période où la musique traditionnelle est, en Turquie, écoutée et pratiquée avec enthousiasme et respect. Si je parle du respect, cela ne veut pas dire que les formes n'évoluent pas. Bien sûr, il faut bien garder les bases rythmiques particulières et les quarts de ton qui sont les caractéristiques de la musique turque mais on peut ouvrir cette musique à des expérimentations nouvelles. Par exemple, en ce moment, en Turquie, il existe des groupes qui font une musique traditionnelle de haute qualité en introduisant des instruments occidentaux. Je pense en particulier aux groupes "Laço Tayfa" ou "Bengi Baglama üçlüsü" qui, je l'espère, seront connus un jour en France.

En dehors de mon trio, je joue aussi dans d'autres formations où j'ai l'occasion de pratiquer des expériences très enrichissantes. Par exemple, le fait de travailler avec un guitariste, un harmoniciste ou une violoncelliste m'a ouvert des horizons et je pense qu'il en est de même pour eux. Ayant envie de partager et d'échanger ma connaissance musicale, je continue de rencontrer des musiciens différents. Je donne également des cours de oud et de saz. Propos recueillis par V.P. Contact

Nadir Ipek

Tel : 06 20 51 14 72

[nadir.ipek@9online.fr->nadir.ipek@9online.fr] Concerts

7 octobre 2003, à 20h30

Concert en deux parties : SHAMS (musiques d'Afghanistan) et NADIR IPEK

Amphithéâtre Culturel de l'Astrée, Campus de la Doua, Villeurbanne

Tél. : 04 72 43 19 11. 29 et 31 octobre 2003 à 12h30 : Concerts du Comptoir

Amphithéâtre de l'Opéra national de Lyon.

Réserv. : 04 72 00 45 45 13 décembre à 18h. et 14 décembre 2003 à 17h.

Museum d'histoire naturelle de Lyon.,

dans le cadre de l'exposition “Fantaisies au Harem et nouvelles Shéhérazade”

Rens. : 04 72 69 05 00


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