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Lettre d'information n°40. Hiver 2001 "Intégration" ne veut pas dire
"Voyages", le nouveau spectacle de Marc Perrone à l'Espace Malraux, Chambéry (73)

Entretien avec Marc Perrone CMTRA : Marc, tu viens en Rhône-Alpes avec un nouveau spectacle, de quoi s'agit-il ?

Marc Perrone : Le spectacle s'appelle "Voyages". C'est une manière pour moi de parcourir un peu l'histoire du siècle au travers des histoires familiales issues de mes deux familles italiennes. C'est mettre en perspective les petites histoires et la grande histoire, puis de voyager avec tout cela, grâce à des images, à des textes et à la musique. C'est en fait décomposer ce qui constitue le cinéma, c'est-à-dire la musique, la bande son, le dialogue et l'image, pour raconter les choses.

L'idée de départ du spectacle a été quand même de me dire que bien qu'étant né en banlieue parisienne, j'ai un pied encore là-bas, mais je suis d'ici, c'est-à-dire qu'il y a un petit peu de moi qui flotte entre les deux. Je suis parti aussi du fait que la locomotive à vapeur et l'accordéon ont été inventés à peu près la même année, que la machine à coudre aussi, comme mon père était tailleur, et les frères Lumière ont inventé le cinématographe à Lyon, grâce à une petite pièce métallique qui s'appelle "La Croix Maltée". Tout cela m'a fait rêver, tout ce monde industriel dont on voit le bout parce qu'on est en train de basculer dans autre chose. Alors, j'avais envie de me promener un temps dans ces sons, dans cet univers-là.

Donc, il y a une manière de jouer de l'accordéon, assez inusitée pour se rapprocher de ces sons " post-modernes ". C'est aussi de manière un peu plus prétentieuse, régler le sort à certaines idées et dire que l'immigration intérieure et extérieure n'ont produit que des bonnes choses. C'est quelque chose qu'à priori certains voient d'une manière figée, alors que les années et les jours passants, c'est quelque chose qui déplace le temps, et qui se construit avec les différents apports qui arrivent ici.

C'est une idée importante pour moi. Je suis fils d'un immigré italien, l'immigration italienne est comme on dit " digérée ", mais il y en a d'autres qui arrivent. Je vois dans les écoles des enfants qui arrivent d'Europe de l'Est, de Turquie, d'Afrique, cela les inquiète beaucoup, à juste titre puisque c'est toujours inquiétant de s'apercevoir que les autres ne sont pas comme nous, mais au bout du compte, cela créée un brassage intéressant, et c'est la vie. Il faut arrêter d'avoir peur ! En France, un certain nombre d'institutions républicaines ont permis cela avec les écoles publiques et laïques, et c'est formidable. Tu es obligé de mettre les mômes ensemble. Le mot qui revient tout le temps lorsque l'on parle d'immigration, c'est "intégration", alors je me dis qu'il faut faire attention parce que le mot "intégration" ne veut pas dire désintégration de la culture des gens qui arrivent. Ce qui continue à se produire, c'est que les gens qui arrivent sont différents, la vie de demain sera la résultante des forces culturelles des uns et des autres. C'est important de le dire tranquillement, et de "désangoisser" les gens. Je pense cela d'une manière naturelle, parce que je fais partie des musiciens qui se sont interrogés sur ce qu'il y avait avant, et qui se sont posés la question : "qu'est-ce que cela change aujourd'hui ?". Tout cela s'inscrit bien dans le spectacle. Le travail, pour moi dans "Voyages", s'inscrit assez logiquement dans mon vécu de musicien ayant traversé le folk des années 70, ayant fait du collectage : se pencher sur l'autre, aller voir les anciens dans les campagnes n'est pas si éloigné du fait d'interroger, et de m'interroger sur l'histoire familiale, et me demander ce que je peux en faire pour moi, aujourd'hui. C'est un peu la même chose pour l'immigration, c'est donner les outils aux gens pour voir comment est l'autre. La deuxième chose importante dont je me suis aperçu pour ce spectacle, c'est le bi-linguisme.

C'est seulement à l'âge de 15 à 16 ans, par intérêt et grâce à la musique, que j'ai replongé dans ma culture familiale, mais ce qui m'a toujours accompagné, c'est la langue que j'ai apprise sur le tas, comme mon père a appris le français sur le tas. L'intérêt c'est que lorsque tu possèdes deux ou trois niveaux de langues, même si ce n'est pas parfait, c'est formidable car cela donne envie pour ceux qui naviguent entre 2 langues de mieux écouter la langue du troisième qui arrive. Tout cela s'inscrit dans une démarche d'apprentissage et d'acquisition de la langue, de la musique par la perception pure, sans passer par les moyens d'analyse liés à l'écrit.

Une démarche liées en quelque sortes à ce que nous propose l'informatique, la reproduction à l'identique par séquensage. La duplication c'est bien, mais ce n'est pas très créatif. Je crois que c'est Godard qui disait que le numérique est non productif au niveau création, alors que l'on sait bien que la production artistique en tout cas, et linguistique culturelle, se fait dans le système analogique, et que la part de création se situe là où il y a des failles dans la reproduction. Si tu prends un accordéoniste célèbre, Vidalenc par exemple : combien a-t-on été à essayer de jouer comme lui, à reproduire exactement ce qu'il jouait, et on s'est aperçu que ce n'était pas possible parce que lui était lui, et nous on était nous, avec notre propre culture. Ceci étant, on a pu s'approprier une moitié de son répertoire, (je ne l'ai pas fait complètement, mais je l'ai fait avec d'autres accordéonistes du sud-ouest) et notre part de création réside dans la différence qu'il y a entre ce que l'on produit et le modèle de départ. Si on l'avait reproduit à l'identique, là ce ne serait pas humain, donc la part de création réside dans la petite part d'erreur. L'analogie, c'est faire comme, mais pas tout à fait. CMTRA : Marc Perrone, tu es connu dans le monde des joueurs d'accordéons diatoniques, un monde bien particulier, pour être un personnage, sinon le personnage emblématique de cet instrument, qui l'a rénové, tu n'y échappes pas. Les joueurs d'accordéons te considèrent comme un modèle, mais tu n'es pas seulement joueur d'accordéon, dans ton parcours, tu te frottes aussi à d'autres influences, d'autres personnes surtout, musicalement dans le jazz, le musette, et puis tu as rencontré très tôt l'univers du cinéma. Comment t-en sors ­tu ?

M.P. : Eh bien, je fais un spectacle qui s'appelle " Voyages " où je mélange un peu tout cela avec justement un certain nombre de musique du jazz. Je ne sais pas si c'est bien ou mal, mais je navigue là-dedans. J'ai l'impression qu'il y a une unité dans tout cela, et franchement je ne pense pas qu'il y ait eu un glissement. C'est-à-dire que tu peux naviguer dans le cinéma, faire un tour avec des copains musiciens qui viennent d'ailleurs.

Pour moi, il n'y a pas de différences entre Louis Sclavis qui improvise et François Vidalenc qui joue, dans la posture bien sûr, parce que dans la musique ce n'est pas la même chose. Il y a un rapport à l'oralité, où à l'écrit, qui est important pour moi. Il y a quand même ce fil-là, un rapport de perception sensible au monde, plutôt que d'analyse rationnelle. C'est formidable de pouvoir relever des notes, de pouvoir écrire un thème que l'on a écouté, mais après quand il faut jouer, là il faut y mettre du sien.

C'est quelque chose que j'ai appris dès le premier concert, ce plaisir de faire avec ce que l'on a, même si on a d'autres techniques, d'autres cultures musicales. Tout ce qui s'est passé en musiques traditionnelles depuis 30 ans tient de cela. Si aujourd'hui, on peut faire passer le message aux jeunes qui arrivent derrière, c'est celui-là : il y a des modèles, mais ces modèles, il faut les retravailler pour soi avec ses propres moyens. Propos recueillis par J.B. "Voyages" de Marc Perrone - 15/03 : Sassenage(38) Théâtre en Rond

rens. 04 76 26 62 54 - 16/03 : CHhambéry (73) Espace Malraux

rens. 04 79 85 55 43 - 17/03 : Portes-les-Valence (26) Le Train-Théâtre

rens. 04 75 57 85 46


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